Margot, reine sans royaume

Collection Leurs Figures
Gallimard
Parution
La Reine Margot, qu'a rendue populaire Alexandre Dumas, a inspiré bien des écrivains. On s'est plu à faire revivre sa figure éclatante, à narrer ses aventures juvéniles, son mariage avec Henri de Navarre, sa vie désordonnée de jeune souveraine où le séduisant La Môle, le bel Entraguet, le fougueux Bussy et Champvallon «le plus beau des hommes» ont eu tour à tour ses charmantes et parfois funestes faveurs.
Mais après le scandale de son renvoi de la Cour, lorsque son frère Henri III, irrité peut-être par quelque trouble jalousie, la chasse du Louvre et la contraint à rejoindre son mari, on l'abandonne sur cette route qui la ramène en Navarre, ou bien l'on résume en quelques chapitres ces trente ans qui lui restent à vivre, les plus dramatiques de son histoire et peut-être les plus brûlants.
C'est cette seconde partie de sa vie que le talent si évocateur de Jeanne Galzy a retracée, lorsque, rompant avec famille et mari, assurée de l'aide de la Ligue, la Reine Margot se révolte contre le Roi de France et le Roi de Navarre, fait d'Agen le centre de sa résistance, puis, contrainte à abandonner la ville fuit en Haute Auvergne avec des aventuriers. Elle inaugure alors une passionnante vie dramatique et picaresque, consentant pour se sauver aux amours les plus inattendues, répondant par le poison au poignard, tantôt prise de force ou chassée par ses ruffians, enfin, bernée par la promesse de sa vieille mère Catherine, séparée d'Aubiac son amant, et enfermée dans l'imprenable citadelle d'Usson.
Là, près de vingt ans elle reste captive. D'abord elle attend son supplice, puis des morts successives la délivrent de sa famille et elle séduit Canilhac, son geôlier. Désormais libre, elle fait d'Usson le repaire de ses amours. Comme dans les légendes où une enchanteresse fait servir les jeunes gens à ses plaisirs, elle attire les jeunes hommes. De plus en plus exigeante à mesure que les années passent, elle ne devient éperdue que devant la beauté des adolescents. Et pendant que la France est en flammes et qu'Henri IV conquiert son royaume, la Reine Marguerite se fait chanter par ses poètes et joue avec ses Céladons. Henri IV devenu roi, divorcé d'elle et ayant épousé Marie de Médicis, a oublié ses rancœurs coniugales. Margot, escomptant les renouveaux de plaisirs que peut lui offrir Paris, redescend de ses montagnes avec ses femmes, ses officiers, ses bagages et son jeune amant Saint-Julien. Malgré l'embarras où ce retour peu désiré jette la Médicis maussade et Henri IV d'abord réticent, elle se crée vite une sorte d'intimité avec la famille royale et, en face du Louvre, se bâtit un palais où elle tient sa cour d'amour, régnant sur ses beaux esprits et ses poètes.
Encore pour elle on se bat, et elle a dépassé cinquante ans quand son Saint-Julien est assassiné par Vermont. Elle le pleure et le remplace. Tout Paris sourit de ses démêlés avec le petit Bajaumont qu'elle giffle, épuise et fait mourir de consomption. Quand Henri IV est assassiné, elle reste la Tante officielle des enfants de France. Elle a engraissé. On se moque de ses perruques blondes et de sa grande fraise. Mais elle lutte tragiquement contre le déclin et a toujours les mêmes ardeurs. Elle n'y renonce qu'à l'article de la mort, selon, sa fameuse formule : «Je vy jusqu'à l'amour, j'aime jusqu'à la mort.»