Requête au mandarin

Gallimard
Parution
L'attention publique n'est ordinairement attirée sur l'Indochine française que lorsque cette possession lointaine traverse ce que certains de ses dirigeants se plaisent à appeler une crise de croissance ; hélas! cette soi-disant crise de croissance chez la Princesse lndochinoise n'est souvent pas autre chose qu'une crise de décroissance chez son tuteur ; et voilà pourquoi notre fille est muette (ou menteuse).
Il arrive alors que cette même attention publique fait appel à de brillants reporters de la métropole et leur demande d'aller là-bas et d'y rechercher, dans la mesure du possible, les causes de l'effervescence signalée, c'est-à-dire les responsabilités humaines. – Certes, ces envoyés d'e la presse font de leur mieux et la plupart d'entre eux se sont faits dans ce genre d'enquêtes internationales une réputation justement méritée. – Mais en définitive sied-il bien, pour bien connaître de tout ce qui touche aux sujets du Prince, de ne s'adresser qu'au Prince? Ne serait-il pas à la fois adroit et humain, c'est-à-dire digne de la France, d'offrir, toutes contingences locales bien dominées, une discrète occasion de parler non toujours au Prince lui-même mais à son personnel indigène, à son huissier, à son planton, à son boy, à son coolie pousse-pousse? Comment en effet savoir au juste ce que veut de nous un peuple étranger dit protégé si nous n'allons pas suffisamment au-devant des siens?
À l'heure où une nation voisine et amie et qui est un peu pour nous tous une patrie plus on moins spirituelle semble vouloir, par la voix puissante de son chef, poser à nouveau le problème Europe-Asie ou Europe-Afrique, on lira peut-être avec profit la Requête au mandarin étant bien entendu qne le Mandarin n'est autre que «Marianne» elle-même.