Jaunisse

. Chronique
suivi d' Elisaeana
Collection Blanche
Gallimard
Parution
M. Godeau a la jaunisse. Il a trop mangé de pêches. Élise s'est cassé Ie bras gauche en tombant dans l'escalier. Ces incommodités (et quelques autres, moins physiques) donnent l'occasion à Marcel Jouhandeau d'écrire un livre d'observations féroces et indulgentes : Jaunisse.
Le personnage central du volume, celui vers lequel convergent les feux de l'écrivain, c'est une fois de plus Élise. Mais la richesse d'un être est inépuisable pour qui sait la voir et l'exploiter. Jaunisse pourrait bien être un tome supplémentaire des Chroniques martiales. On y retrouve le même mélange d'amour et de haine qui donnait leur éclat singulier aux célèbres chroniques. Au bout du compte, cet amour et cette haine aboutissent, par leur conjugaison, à cette qualité suprême du grand écrivain : l'impartialité, mais une impartialité passionnée.
M. Godeau, dans une page particulièrement pénétrante, situe Élise, son inspiratrice et son tourment, par rapport à la postérité, par rapport à lui-même : «Les jeunes gens s'enhardissent à me parler de "mon impureté", qu'ils qualifient il est vrai de "pure", pour faire passer l'insolence. Ils jugent Élise aussi d'une "puérilité" insupportable, maintenant qu'elle n'a plus quinze ou vingt ans, comme eux. Seulement, leur jeunesse passée, rien ne restera de leur gloire, quand l'originalité d'Élise lui survivra peut-être et à eux – quelque temps.
Pas un de leurs propos ni de leurs gestes qu'on puisse rapporter, quand j'écrirais sur Élise une bibliothèque, sans épuiser mon sujet ni me répéter. Tout ce qu'elle dit et fait, marqué au coin de sa personne, elle seule à ce point elle et sans cesse égale à elle-même. Je me réveille au moins deux fois chaque nuit. Une fois pour la maudire et une fois pour l'adorer.»
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