Fraternité
suivi de Caravaca, artiste peintre
Collection Blanche
Gallimard
Parution
Au cours d’une révolution, dans la petite République de Libertad, deux frères luttent l’un contre l’autre : le général de l’armée nationale, et le chef des insurgés, un typographe qui est une sorte de «mauvais garçon». Le premier fait le second prisonnier. La constitution l’oblige à le passer par les armes ; mais il l’invite à déjeuner et réunit toute la famille pour les dernières effusions.
Au dessert, les insurgés ayant reconquis le terrain, viennent s’emparer de l’ex-général vainqueur et délivrer leur chef en même temps. Pour ne pas demeurer en reste, ce dernier convie son frère à reprendre place à table avant d’être fusillé. La famille, présidée par le Révérend Père Sombrero, confesseur, épouse la fortune imprévue de celui qui causait son déshonneur quelques instants auparavant.
Dénouement moral de cette aventure singulière : les armées adverses fraternisent et infligent aux frères ennemis le supplice qu’ils s’étaient promis l’un à l’autre. Ils meurent dans la rue aux cris de «Fraternité!» poussés par les soldats et la foule en délire. Cependant, le délégué d’un comité de gauche et celui d’un comité de droite, tous deux de «fraternisation», se battent devant le public pour une raison dérisoire, et le rideau tombe sur le prophétique avertissement d’un perroquet, qui figure ici et la parodie du chœur antique, et, davantage, l’Esprit du Mal : «Préparez… armes!».
Cette pièce a été jouée avec un vif succès au Théâtre de l’Atelier.

Avec Caravaca, nous passons de la satire sociale à la satire esthétique. Les auteurs nous présentent une famille d’épiciers espagnols résidant à Paris et dont un des membres, le père, fatigué des inaptitudes commerciales de son fils, le voue à la peinture, art lucratif et facile au temps de la joie de vivre. Mais il se trouve, très curieusement, que ce fils, mauvais sujet, voudrait être épicier. Cependant, un marchand de tableaux et un critique, son secrétaire, portent aux nues les dessins informes du paresseux. Il s’ensuit que le héros devient peintre contre son gré et que les subventions du marchand alimentent sa fâcheuse tendance à boire et à paresser. Aussi a-t-il découvert une nouvelle école, soit de signer des toiles blanches. Par un artIfice singulier, et qui est peut-être le meilleur trait de cette satire de la peinture moderne, une de ses toiles éclate, trop chargée de génie, et son explosion dépêche tous les spectateurs devant le tribunal de Dieu, y compris l’artiste. Le dernier acte se passe donc au Ciel, comme dans les anciens mystéres, et Dieu juge alors tout le monde en véritable critique d’art, d’après une philosophie qui ne se référe qu’à la simplicité. Telle est la leçon de cette comédie, qui cache un grand bon sens sous ses apparences bouffonnes, et se trouve la meilleure satire des excès de l’art moderne, aujourd’hui abandonné par ses plus fougueux amateurs.
On retrouve, dans l’une et l’autre de ces pièces, la tradition des grands rieurs que furent Aristophane, Rabelais et Swift.
Lire un extrait