Le Lapin blanc

Trad. de l'anglais par Pierre Frédéric. Préface de Gilberte Pierre-Brossolette
Collection L'Air du Temps
Gallimard
Parution
Bien avant Mac Arthur aux Philippines, un petit sergent anglais à la Pointe-de-Grave prononçait ces paroles : «Je reviendrai.» Il revint, en effet, plusieurs fois, parachuté avec Brossolette, Passy et d'autres. Comme ces Français, Yeo-Thomas, français d'adoption, combattait partout où il pensait que cela pouvait être utile. Sa plus grande victoire, il la remporta, contre la montre, dans le bureau de Winston Churchill lorsqu'il parvint en un temps record à lui faire sentir l'héroïsme el le dénuement des Résistants français.
Mais «Tommy» ne se contentait pas d'être éloquent, il lui fallait être actif. Bagarreur dans l'âme, même lorsqu'il était comptable ou directeur chez Molyneux, il voulait payer de sa personne... Il paya.
Parachuté à nouveau en France pour organiser l'évasion de Brossolette emprisonné à Rennes, au moment de réaliser son plus cher projet, il est pris par la Gestapo.
Rien ne lui est épargné : les coups, la baignoire, les coups, la baignoire, jour après jour, et puis Fresne où il devient l'âme de la Résistance et un habitué du «mitard». II est ensuite déporté. Il s'évade de Buchenwald, du train de la Mort, de Grunhainingen. Il ne compte plus ses évasions. Mais Bruce Marshall nous les conte, lui, dans Le Lapin blanc de façon directe, dépouillée, en homme qui connaît et qui aime la France.
Bruce Marshall, romancier de grand talent, amputé d'une jambe au cours de la guerre 1914-1918, reprit du service lors de la dernière guerre mondiale. Il faisait partie, comme Yeo-Thomas, de la section «R.F.» des services de renseignements britanniques ; il apprit alors à connaître «Tommy» et nul mieux que lui n'était qualifié pour recueillir et rapporter le récit des aventures héroïques de ce grand Anglais... de Paris.
Le langage de ce récit est souvent rude, c'est celui d'un homme qui dans un camp d'extermination vit 1200 hommes pourrir debout faute de place pour s'allonger, et mourir, d'autres entassés dans des huttes où ils servaient de cobayes (on leur inoculait le typhus), d'autres encore battus à mort par les S.S. en quête de distractions. Il vit dans ce qu'on appelait «l'Hôpital», un réduit sordide et pestilentiel, un S.S. tirer les moribonds de leurs châlits par les pieds, comme des tiroirs, et s'esclaffer lorsqu'un malheureux se fracassait le crâne sur le sol. Tout cela est narré avec une immense pitié, certes, mais sans haine, en toute objectivité.