Le commun dénominateur
Collection Blanche
Gallimard
Parution
C'est le plein été en Pennsylvamie. Marcelle et Roland Demagre passent les vacances sur le campus du Collège où il est
professeur. Marcelle vient d'annoncer à Roland qu'elle veut le quitter ; quelques semaines auparavant il a lui-même été pris du désir de rentrer, seul, en France. Persuadé qu'il ne pourra la retenir auprès de lui que s'il parvient à élucider son malaise, il écrit.
Plutôt que l'ensemble de son passé, il préfère interroger les événements qui ont fait récemment bouger sa vie : le brusque désir de grands espaces marins, dont il s'étonne d'avoir été bouleversé ; ses épineuses conversations avec ses amis que, hésitant à partir, il consultait ; sa rencontre à New York, avec une jeune Hollandaise dont la modestie égarée, la voix fraîche et âpre l'ont troublé ; le long monologue qu'il a tenu un soir devant Marcelle pour se convaincre, et la convaincre, qu'ils ne peuvent plus s'aimer... Mais également – sa réflexion s'élargissant peu à peu – la passion politique qui, un moment, lui a paru justifier son retour à Paris (nous sommes en 1954, quelques mois après Dien Bien Phu) ; l'ascendant sur lui qu'il reconnaît d'abord à ses amis ; son goût, nouveau, pour les fleurs ; ce qu'il appelle sa conversion aux cboses ; sa croissante méfiance à l'égard de toute formulation abstraite du destin de l'homme ; la transparence des cœurs et des esprits, dont il rêve ; le besoin qu'il éprouve périodiquement de recommencer son initiation à la vie, – de s'exiler ; sa haine de soi enfin... Si bien qu'à travers ses idées comme ses images et sentiments privilégiés – mais sans jamais perdre de vue son amour pour Marcelle – c'est finalement tout entier qu'il se met en question, chercbant à éclairer ses contradictions et à leur faire rendre l'âme, qu'elle soit vivable ou non, à dégager le sens du choix secret qui gouverne son existence.
Cependant, comme sa réflexion, qu'il a d'abord menée en marge de sa vie, finit par agir sur elle, il craint qu'elle ne le coupe des autres dont il espérait qu'elle le rapprocherait. Si, à la veille de revoir Marcelle qui l'a quitté depuis de nombreux mois, il croit découvrir à ses aspirations un dénominateur commun, s'il se persuade que les anime le pressentiment d'un avenir où la lucidité se confondrrait avec la poésie, c'est pour en douter aussitôt. Dès lors néanmoins qu'il sait mieux faire la part de son mal, s'accordera-t-il mieux à la signification qu'il avait inconsciemment chargé Marcelle d'accomplir en son nom, – à l'Absolu?
Plutôt que l'ensemble de son passé, il préfère interroger les événements qui ont fait récemment bouger sa vie : le brusque désir de grands espaces marins, dont il s'étonne d'avoir été bouleversé ; ses épineuses conversations avec ses amis que, hésitant à partir, il consultait ; sa rencontre à New York, avec une jeune Hollandaise dont la modestie égarée, la voix fraîche et âpre l'ont troublé ; le long monologue qu'il a tenu un soir devant Marcelle pour se convaincre, et la convaincre, qu'ils ne peuvent plus s'aimer... Mais également – sa réflexion s'élargissant peu à peu – la passion politique qui, un moment, lui a paru justifier son retour à Paris (nous sommes en 1954, quelques mois après Dien Bien Phu) ; l'ascendant sur lui qu'il reconnaît d'abord à ses amis ; son goût, nouveau, pour les fleurs ; ce qu'il appelle sa conversion aux cboses ; sa croissante méfiance à l'égard de toute formulation abstraite du destin de l'homme ; la transparence des cœurs et des esprits, dont il rêve ; le besoin qu'il éprouve périodiquement de recommencer son initiation à la vie, – de s'exiler ; sa haine de soi enfin... Si bien qu'à travers ses idées comme ses images et sentiments privilégiés – mais sans jamais perdre de vue son amour pour Marcelle – c'est finalement tout entier qu'il se met en question, chercbant à éclairer ses contradictions et à leur faire rendre l'âme, qu'elle soit vivable ou non, à dégager le sens du choix secret qui gouverne son existence.
Cependant, comme sa réflexion, qu'il a d'abord menée en marge de sa vie, finit par agir sur elle, il craint qu'elle ne le coupe des autres dont il espérait qu'elle le rapprocherait. Si, à la veille de revoir Marcelle qui l'a quitté depuis de nombreux mois, il croit découvrir à ses aspirations un dénominateur commun, s'il se persuade que les anime le pressentiment d'un avenir où la lucidité se confondrrait avec la poésie, c'est pour en douter aussitôt. Dès lors néanmoins qu'il sait mieux faire la part de son mal, s'accordera-t-il mieux à la signification qu'il avait inconsciemment chargé Marcelle d'accomplir en son nom, – à l'Absolu?