Il n'y a pas de paradis
. Poèmes 1943-1960
Collection Blanche
Gallimard
Parution
«Voici le dernier grand lyrique, le dernier grand mâcheur de mots. Il suffit de l'entendre pour connaître une belle boulimie de boules de mots. Ils viennent de toutes parts. D'une enfance et de l'âge, d'une province et d'une capitale, du grand air et des chambres, des
mouvements de l'histoire et des secrets d'une solitude, de la révolte et de la liberté. Quand il existera une sémantique des accents, on découvrira les intuitions les plus profondes de l'être dans cette voix qui remâche une pâte de mots, dans les roulements bourguignons des "r", une avidité de pétrir, de la terre ou de la chair, du corps ou de l'âme, une fureur de corps à corps, de corps à âme dans les voyelles les plus grasses, dans les diphtongues les plus sourdes.
La bouche est ce qui mange et ce qui parle. Avant de découvrir leur forme juste, aux mots, elle les déglutit longuement. Manger et boire, serait-ce les conduites d'une ontologie poétique? Boire à la source ou boire à la Fourche, il faut boire. Ce qui n'est pas le "enivrez-vous" d'une fuite, mais une volonté de trouver içi-même les chemins de la communication.
Longtemps avec l'espoir qu'on rencontrera la source première. Plus tard, l'ayant crue trouvée, l'ayant trouvée perdue, sans espoir, "la peine lentement commuée en la paix – par satisfaction du devoir accompli".
Nous avons un poète stoïque. Pour pouvoir vivre ici, la leçon de cette poésie, c'est qu'au-delà de l'espoir comme du désespoir, il existe peut-être encore une raison d'être. Il se trouve que par la poésie, même dans un monde de l'abjection et de la dérision, la dignité humaine se constitue en un Bien. Si le poète s'efforce de l'atteindre, le poème échoue peut-être à l'accomplir. Du moins forme-t-il un objet où l'homme s'aperçoit.»
Jean Lescure.
La bouche est ce qui mange et ce qui parle. Avant de découvrir leur forme juste, aux mots, elle les déglutit longuement. Manger et boire, serait-ce les conduites d'une ontologie poétique? Boire à la source ou boire à la Fourche, il faut boire. Ce qui n'est pas le "enivrez-vous" d'une fuite, mais une volonté de trouver içi-même les chemins de la communication.
Longtemps avec l'espoir qu'on rencontrera la source première. Plus tard, l'ayant crue trouvée, l'ayant trouvée perdue, sans espoir, "la peine lentement commuée en la paix – par satisfaction du devoir accompli".
Nous avons un poète stoïque. Pour pouvoir vivre ici, la leçon de cette poésie, c'est qu'au-delà de l'espoir comme du désespoir, il existe peut-être encore une raison d'être. Il se trouve que par la poésie, même dans un monde de l'abjection et de la dérision, la dignité humaine se constitue en un Bien. Si le poète s'efforce de l'atteindre, le poème échoue peut-être à l'accomplir. Du moins forme-t-il un objet où l'homme s'aperçoit.»
Jean Lescure.