Géorgiques
Gallimard
Parution
«Il faut ici partir des Bucoliques. Virgile y avait défini la poésie comme la seule tâche digne de l'homme, la seule par laquelle il pût lui-même s'accomplir, et prendre place dans la nature sans la déshonorer. C'est aussi par la poésie que l'homme pouvait induire la nature à être pleinement elle-même. Auprès de la poésie toute autre entreprise apparaissait futile et indécente ; dans l'âge d'or évoqué par la IVᵉe Bucolique, l'agriculture n'a pas plus de place que le commerce ou la guerre. Or, dans les Géorgiques, nous apprenons qu'il est pour l'homme une autre manière d'être en équilibre harmonieux avec l'univers, et c'est le travail. Le poète découvre la possibilité de s'intéresser à autre chose qu'à la poésie. La composition poétique cesse d'avoir pour seul objet concevable l'entreprise même de poésie. [...]
Virgile a développé sa pensée sur la valeur positive du travail dans un mythe célèbre où les affirmations les plus neuves se mêlent au résidu d'idéologies anciennes. Après les félicités de l'âge d'or, on y voit un Jupiter jaloux prendre les rênes du monde. Alors que jadis la terre d'elle-même portait fruit, il y fait pousser des ronces, dérobe à l'homme les secrets du feu, répand sur la terre toute une population d'animaux malfaisants. Jalousie des dieux, déchéance de l'univers, ce sont là thèmes anciens et qui détonnent un peu chez un poète que nous voyons toujours soutenu des plus fermes espoirs. Mais nous apprenons aussitôt qu'en procédant ainsi, Jupiter a voulu contraindre l'homme à inventer les techniques et l'arracher à un engourdissement où se fût amortie son intelligence. [...]
Un fait, pourtant, émerge : les techniques, le travail humain dans sa nécessité, ne sont pas seulement un pis-aller ou une chaîne, le poids sur l'homme de la décadence de l'univers. Au contraire, ce mal lui-même contre lequel il nous faut lutter n'a été introduit dans le monde qu'afin qu'il y eût travail et techniques – et cette activité laborieuse est, conjointement sans doute, ordonnée à la beauté du monde et à l'exaltation de la race humaine.»
Jacques Perret.
Virgile a développé sa pensée sur la valeur positive du travail dans un mythe célèbre où les affirmations les plus neuves se mêlent au résidu d'idéologies anciennes. Après les félicités de l'âge d'or, on y voit un Jupiter jaloux prendre les rênes du monde. Alors que jadis la terre d'elle-même portait fruit, il y fait pousser des ronces, dérobe à l'homme les secrets du feu, répand sur la terre toute une population d'animaux malfaisants. Jalousie des dieux, déchéance de l'univers, ce sont là thèmes anciens et qui détonnent un peu chez un poète que nous voyons toujours soutenu des plus fermes espoirs. Mais nous apprenons aussitôt qu'en procédant ainsi, Jupiter a voulu contraindre l'homme à inventer les techniques et l'arracher à un engourdissement où se fût amortie son intelligence. [...]
Un fait, pourtant, émerge : les techniques, le travail humain dans sa nécessité, ne sont pas seulement un pis-aller ou une chaîne, le poids sur l'homme de la décadence de l'univers. Au contraire, ce mal lui-même contre lequel il nous faut lutter n'a été introduit dans le monde qu'afin qu'il y eût travail et techniques – et cette activité laborieuse est, conjointement sans doute, ordonnée à la beauté du monde et à l'exaltation de la race humaine.»
Jacques Perret.