Les Âmes mortes

D'après le poème de Nicolas Gogol
Gallimard
Parution
«Je n'aime guère, d'une manière générale, l'adaptation des romans à la scène ; et je la trouve d'autant plus discutable que ces romans ont, comme on dit, quelque chose de "théâtral" (Dostoïevski). Les dimensions de la prose ne sont pas celles du théâtre, et vouloir rendre littéralement, dans l'espace physique, des actes qui se déroulent dans un autre espace me semble presque toujours aberrant. Dans ces conditions, pourquoi ai-je adapté les Âmes mortes? D'abord parce que les Âmes mortes ne sont pas un roman mais, comme Gogol l'indiquait lui-même, un poème. Je traduis en langage du XXᵉ siècle, et je dis : une épopée. C'est en effet parce que les aventures de Tchitchikov débordent, et de loin, le cadre romanesque, que je me suis permis de les en faire sortir. De plus, les Âmes mortes se situant constamment au point d'intersection d'une critique sociale aiguë et de la poésie qui, dans la multiplicité des faits, choisit le fait révélateur, il m'est apparu qu'elles ne sont pas étrangères au théâtre dont nous avons le plus besoin : un théâtre épique et critique.
À ce sujet, une remarque. J'ai eu tort de ne pas faire intervenir les serviteurs de chaque propriétaire foncier. Ceux de Manilov seraient endormis, hébétés, ceux de Sobakiévitch diligents, terrorisés, etc. C'est tout un peuple qui doit envahir la scène, et un peuple silencieux. "Les Àmes", même vivantes, n'avaient pas alors la parole. Simplement, se méfier de la stylisation. Que les valets jouent avec autant de naturel que leurs maîtres.
Mais attention : ce "naturel" n'a pas à exclure un certain degré de caricature. Je dirais même que le travail le plus important du metteur en scène et des acteurs sera ici de trouver le degré juste de caricature (psychologique, sociale) pour chaque personnage et chaque moment de l'action.»
Arthur Adamov.