La conquête de la Méditerranée
Collection Tracts (1934-1939)
Gallimard
Parution
«C'est au mois de mars 1936 que je posais pour la première fois le pied en terre catalane. Je m'arrêtai à Ibiza, dont les maisons blanches et carrées couvrent la colline, pareilles à d'énormes blocs de pierre assemblés là pour on ne sait quelle prodigieuse construction. Déjà, dans cette petite île, frappée de toute part par des eaux de lumière, le grondement des événements qui déferlaient sur l'Europe pouvait être perçu.
Un grand nombre de réfugiés allemands s'étaient installés là, assurés que cette bande de terre serait un abri certain. Je les rencontrais chaque soir, dans un petit café du port, et durant nos entretiens, le souvenir poignant de leur patrie perdue donnait à leurs propos une résonance lugubre.
Une dizaine de jours plus tard, reprenant le vapeur je filai à Palma de Mallorca. Sans m'attarder dans la ville aux palmiers, je me hâtai vers Soller, que je découvris au fond d'une crique, serré entre de hautes montagnes. Mais tandis que le train m'emportait dans la campagne maillorquine, longeant et coupant une route blanche, je songeais que, cinquante ans auparavant, un jeune homme, grimpé sur une carriole avait parcouru en sens inverse ce chemin : Juan Bernat, mon père (Je ne dois qu'à l'erreur d'un scribe de m'appeler Bernard). Arrivé à Sollet je me rendis au cimetière ; j'allai d'une tombe à l'autre jusqu'à ce que j'eusse découvert celle que je cherchais ; de hautes lettres noires surmontaient le mausolée : BERNAT-FERRER. Au-dessus des monts, qui dominaient de leur masse fauve les tombes serrées, le ciel d'un bleu étincelant paraissait n'être que le reflet de la mer dont le souffle régulier venait jusqu'à moi.
Catalogne, Catalunya.
Pris entre le halètement de la Méditerranée et le double silence des montagnes et des morts, je demeurai là, longuement, songeant à la destinée de cette terre, où je retrouvais la trace de mes pères depuis 1300.
Quatre mois plus tard, la nouvelle du soulèvement de Franco parvenait en France. L'Espagne était jetée dans la prodigieuse aventure où elle se débat depuis deux ans et demi. Peu après, les dirigeants italiens faisaient de Palma de Mallorca une de leurs bases de guerre. Les voici aujourd'hui qui réclament la Corse, une part de la Tunisie. Dans les pages qui suivent, puisant à leurs propres sources, j'ai tenté de montrer comment les dirigeants allemands et italiens concevaient l'encerclement de la France en Méditerranée et de quelle façon ils entendaient utiliser la Catalogne pour arriver à leurs fins.»
Marc Bernard.
Une dizaine de jours plus tard, reprenant le vapeur je filai à Palma de Mallorca. Sans m'attarder dans la ville aux palmiers, je me hâtai vers Soller, que je découvris au fond d'une crique, serré entre de hautes montagnes. Mais tandis que le train m'emportait dans la campagne maillorquine, longeant et coupant une route blanche, je songeais que, cinquante ans auparavant, un jeune homme, grimpé sur une carriole avait parcouru en sens inverse ce chemin : Juan Bernat, mon père (Je ne dois qu'à l'erreur d'un scribe de m'appeler Bernard). Arrivé à Sollet je me rendis au cimetière ; j'allai d'une tombe à l'autre jusqu'à ce que j'eusse découvert celle que je cherchais ; de hautes lettres noires surmontaient le mausolée : BERNAT-FERRER. Au-dessus des monts, qui dominaient de leur masse fauve les tombes serrées, le ciel d'un bleu étincelant paraissait n'être que le reflet de la mer dont le souffle régulier venait jusqu'à moi.
Catalogne, Catalunya.
Pris entre le halètement de la Méditerranée et le double silence des montagnes et des morts, je demeurai là, longuement, songeant à la destinée de cette terre, où je retrouvais la trace de mes pères depuis 1300.
Quatre mois plus tard, la nouvelle du soulèvement de Franco parvenait en France. L'Espagne était jetée dans la prodigieuse aventure où elle se débat depuis deux ans et demi. Peu après, les dirigeants italiens faisaient de Palma de Mallorca une de leurs bases de guerre. Les voici aujourd'hui qui réclament la Corse, une part de la Tunisie. Dans les pages qui suivent, puisant à leurs propres sources, j'ai tenté de montrer comment les dirigeants allemands et italiens concevaient l'encerclement de la France en Méditerranée et de quelle façon ils entendaient utiliser la Catalogne pour arriver à leurs fins.»
Marc Bernard.