Le roman des Jobourg
IV

Valfort

Gallimard
Parution
Valfort, suite du Roman des Jobourg, forme un tout dont la lecture n'exige pas celle des précédents volumes.
Les Loups (prix Goncourt 1932), c'était plus particulièrement le roman de Maximilien Jobourg, l'héritier des maîtres de forges havrais, le père de Vincent, de Didier, de Geneviève, que nous retrouvons dans Valfort, à l'âge des passions. AuxLoups succédèrent Le Capitaine Durban, puis Les Îles du matin.
Dans Valfort, le personnage central, celui qui précipite les événements, vers qui tout converge, c'est Thérèse, diaboliquement jolie, intelligente et volontaire. Vincent forme avec elle un contraste parfait ; lui, le boiteux, velléitaire, incapable d'obtenir le moindre succès.
Thérèse est la maîtresse d'un beau lieutenant de dragons, Frédéric Valfort, et pour préserver cet amour, elIe n'hésitera pas à briser tous les obstacles. Elle ne croit pas en Dieu. Elle est dans l'ordre du mal. Et là, nous touchons un des grands thèmes du livre, qui ressort avec éclat de la masse des événements : c'est que du mal ne peut sortir que le malheur ; un malheur grand comme la fatalité antique et qui n'épargne même pas les êtres qui, consciemment ou non, par amour ou par calcul, ont prêté aide et assistance aux réprouvés.
Vincent Jobourg souffre des cruautés de sa femme, avec une sensibilité toujours nouvelle. Par sa profondeur, sa subtilité, ses impuissances, il fait invinciblement songer à un héros de Dostoïevski.
Autour de Valfort, cause cachée de tout le drame, autour de Vincent et de Thérèse, gravitent des êtres nombreux, peints avec des touches si justes qu'ils sont la vie même : Léontine, la petite servante qui a voué un culte à son maître ; Elisabeth Durban, autre cause, mais visible, involontaire, du drame, et blessée à mort par Thérèse ; Geneviève Saint-Rémon et tant d'autres. Et vers le thème central : l'amour extraordinaire de Thérèse pour Valfort, affluent une multitude de thèmes secondaires, bientôt étroitement liés les uns aux autres.
À rendre aussi présents des héros si nombreux et si divers, dans un univers romanesque aussi ample, Guy Mazeline montre une égale connaissance des hommes et de son art. Il y a peu d'exemples d'un «cycle» aussi complet que Le Roman des Jobourg. L'unité d'une telle œuvre est dans la vie prise avec tous ses cheminements, ses détours, ses piétinements, – la vie restituée avec son souffle éphémère, enfermée pour l'éternité dans le cercle de ses propres passions.