Trois solitaires

. Courier, Stendhal, Mérimée
Gallimard
Parution
Courier connut et apprécia Stendhal ; Stendhal fut l'ami de Mérimée. Ils ne seraient donc pas surpris de se retrouver tous les trois ensemble. Les affinités qui de leur vivant les rapprochèrent les ont tout naturellement réunis dans un même livre.
En ces trois écrivains, rien de servile. Romantiques parfois, mais jamais les disciples d'un maître ou d'une école. Chacun, suivant son génie, fait son œuvre. Mais ils s'accordent pour préférer aux somptueux mensonges du lyrisme la vérité simple et la raison. Au demeurant fort sceptiques.
Trop libres, et trop curieux d'aventures, pour avoir la vie de tout le monde, ils courent l'Europe, font la guerre ou l'amour avec une incomparable fantaisie. Le bariolage de ces trois existences, où ne manquent ni le bouffon, ni le tendre, ni le tragique, fait le vif agrément d'un ouvrage que l'auteur s'est bien gardé d'embellir par quelque invention romanesque. Pour le plaisir du lecteur, rien ne valait la vérité.
Le difficile était d'enfermer de pareils hommes en 300 pages. Il fallait oser choisir, et ne point vouloir tout dire. Négligeant de parti pris les minuties vaines, Paul Arbelet n'a conservé que la fleur de ces trois vies. Amsi a-t-il pu donner aux traits essentiels de ses personnages tout leur relief, et tout leur détail pittoresque aux anecdotes.
Convenait-il d'infliger à ces trois amateurs de la femme une pruderie qui ne fut jamais de leur goût? La plus audacieuse franchise a été tour à tour la règle d'un Courier, d'un Stendhal ou d'un Mérimée. La même franchise devait être règle de leur biographe. Affadir chastement leurs propos ou leurs gestes, c'était gâter le portrait de ces libres épicuriens.
Et pourtant, chez un Mérimée, chez un Stendhal, l'épicurien n'est pas tout l'homme. Ils cachent au fond d'eux-mêmes la sensibilité la plus délicate. Leur vie semblerait donc incomplète, si, à côté de la riante figure du plaisir, l'auteur n'avait laissé voir le visage tendre, grave et passionné de l'amour.