Oreste et la baleine

Trad. de l'allemand par André Maugé
Gallimard
Parution
Pour la première fois sans doute, une femme a l'audace de centrer tout un livre sur le récit de son propre accouchement. Circonstancié, détaillé presque minute par minute, on peut en suivre les phases avec la plus minutieuse précision. Nous sommes en pleine guerre, dans une grande ville allemande à demi-ruinée que pilonnent jour et nuit les bombardiers américains. La narratrice a trente-trois ans. Son mari, Rainer, a été tué quelques semaines auparavant sur le front de l'Est. Elle est seule chez elle quand se manifestent les symptômes d'une naissance proche, celle de son premier enfant.
Elle part pour la clinique, se couche, se prépare au «travail». Ainsi va-t-elle garder tout au long de «l'événement» une lucidité qui lui permettra de composer une sorte de symphonie à la fois biologique et universelle. Car le «travail» en question semble situé à la fois sur deux plans : celui du monde interne au sein duquel l'enfant livre son premier combat humain, et celui du monde extérieur où le présent, le passé de la narratrice avec ses mille images heureuses ou déchirantes, ne cessent de concourir : le parallélisme rythmé de ces deux mouvements donne au livre, du début à la fin, une dimension tout à fait admirable. À partir d'un récit douloureux que la mort et la nuit incessament présentes couvrent d'obscurité, l'auteur nous offre le plus bel acte d'amour et de foi dont on puisse trouver l'exemple dans la littérature féminine d'aujourd'hui.