N'y être pour rien

Collection Blanche
Gallimard
Parution
Journaliste avant la guerre, mobilisé comme officier aviateur, Gauthier a été fait prisonnier dès septembre 1939 sans avoir combattu. Il passe toute la guerre dans un camp, ratant ses tentatives d'évasion. Frustré, mis à l'écart des événements par sa destinée, le sentiment de «n'y être pour rien» devient vite pour lui un véritable supplice. Lorsqu'en 1944 une patrouille américaine le délivre, il tue ses geôliers allemands, geste plus instinctif que réfléchi, qu'un correspondant de guerre de ses amis, à qui il le raconte, transforme maladroitement dans la presse en exploit héroïque. Il refuse naturellement d'être un héros à si bon compte, rétablit la vérité dans son rapport à ses chefs qui le prennent aussitôt pour une dangereuse tête brûlée et l'écartent de toute activité militaire. Rongé par son inutilité, déçu aussi par sa femme qu'il ne comprend plus et qui ne le comprend plus, dévoré d'angoisse devant l'absurdité de l'existence, croyant au néant mais n'admettant pas ce qu'il croit, Gauthier prépare minutieusement son suicide qui lui paraît la seule façon d'exercer sa liberté. Ce suicide, il le rate, mais aussitôt la vie le ressaisit, «et parce qu'il avait tantôt choisi contre l'existence, il se sent dorénavant la force d'exister.»