Le Haut Moyen Âge

Quoi de plus incertain que nos jugements sur le Moyen Âge? Pour Voltaire et les philosophes du XVIIIᵉ siècle, époque barbare et «gothique», pour les poètes et les historiens du romantisme, le temps glorieux et poétique de l'humanité, Et Michelet lui-même n'a-t-il pas varié à ce sujet, l'historien désavouant le mirage romantique qui d'abord avait séduit l'artiste. Légende et réalité semblent donc ici singulièrement se contredire. Mais toutes ces contradictions qu'on relève dans les jugements mêmes des historiens, ne les retrouve-t-on pas dans l'esprit même du Moyen Âge? Brutal et délicat, cruel et tendre, hanté par la mort et épris de la vie, avide de pouvoir et recherchant la vie contemplative, tour à tour sensuel et mystique, âpre dans la poursuite de ses intérêts et rêveur utopique ; tantôt ambitieux, tantôt d'une grand humilité, belliqueux tout en aspirant à une paix universelle, solidement attaché à sa terre et tournant les regards vers le ciel, fidèle à ses maîtres et pourtant prêt à les trahir, Siegfried à la fois et Hagen, tel nous apparaît à travers les luttes incessantes que se livrèrent les empereurs et les papes, les rois et les seigneurs féodaux, les nobles et les bourgeois, l'homme du temps des croisades, que nous décrit Hampe. Son magistral ouvrage, si richement documenté qui embrasse toutes les manifestations de la vie médiévale, nous met à même de juger une époque dont est née notre Europe actuelle et qui semble aujourd'hui singulièrement proche de nous.