La vie basse

Collection Blanche
Gallimard
Parution
On sera pris sans le savoir au piège de cette histoire sans éclat, qui nous montre dans un jour cru la complexité de quelques êtres réputés simples. Jeanne Bonivert est une déclassée qui se sent attirée en même temps vers le haut et vers le bas. Des études superficielles lui ont donné le goût d'une certaine culture. Après quoi elle a le tort de ne plus compter pour s'élever que sur l'amour. Mais l'amour la déçoit, parce qu'il est lui aussi une inspiration vers le haut et une inclination vers le bas, et Jeanne n'est pas assez consciente pour y discerner l'élément sauveur. Ses tentatives sont une suite d'erreurs : elle méconnait et surestime tout ensemble ce que sont vraiment pour elle, son mari, les hommes et les choses. On voudrait l'avertir, la guider par la main. Elle se perd dans la résignation au moment où elle peut se libérer et toucher enfin le réel.
Pourtant, le récit n'est pas pessimiste. Il respire la sensualité familière, et la douceur aussi bien que l'âpreté du quotidien. Le faubourg qui lui sert de cadre, fidèlement évoqué d'après un coin de la banlieue liégeoise, est plein d'animation, de confort et de drôlerie, on le quitte un moment pour s'échapper dans la campagne du pays de Herve, pays opulent mais sans gloire. Ainsi la grâce de ce roman est toute intérieure, sous-entendue et comme négligée.