La vérité sur l'édition

Trad. de l'anglais non signée
Série Notre Temps
Gallimard
Parution
«Les éditeurs sont gens dont on dit bien du mal. Compte tenu de leur nombre, il n'est guère, sans doute, de profession aussi souvent critiquée, et dont chaque faiblesse fasse l'objet de tant de publicité. Les péchés des brebis galeuses sont imputés aux plus pures du troupeau, et récemment encore, la lecture des colonnes de l'Author imposait l'impression qu'en tout temps et en toute circonstance, tous les éditeurs n'agissaient qu'à mauvais escient, entièrement, uniquement et nécessairement. Aucune voix ne s'éleva pour leur défense. Cependant, dans les derniers temps, une légère réaction se manifesta lors de la fondation de la Society of Bookmen et de l'apparition de cette intéressante espèce d'hybrides, les «éditeurs-auteurs» ou « auteurs-éditeurs». Cela ne veut pas dire que le pendule se porte brusquement de l'autre côté et que le danger existe de voir attribuer aux éditeurs en général un excès de mérites. Du moins les auteurs en sont-ils venus au point d'admettre que si les éditeurs ne sont pas meilleurs que leur prochain, ils ne sont pas, dans l'ensemble, plus mauvais. Étant donné leur entourage, il serait d'ailleurs surprenant qu'ils le fussent, car il serait difficile de prétendre que l'atmosphère des livres et la compagnie des auteurs pussent être démoralisantes.
Cet heureux changement d'attitude doit contribuer à dissiper ce que l'on a appelé, à bon droit, l'air de mystère qui enveloppe les travaux des éditeurs. En fait, il n'y a rien de mystérieux dans une maison d'édition, mais l'impression contraire peut facilement engendrer le soupçon, et il est certain qu'elle est la cause de bien des malentendus absolument oiseux. Pour les auteurs et aussi pour le grand public, il est d'impérieuse nécessité de mieux connaître le problème qui va être élucidé.
La tâche de l'éditeur n'est pas simple, et tout le problème de la publication des livres est présentement bien plus compliqué qu'il ne l'était il y a une génération seulement. Il exige aujourd'hui une somme de connaissances techniques beaucoup plus étendues qu'autrefois et aussi un «rendement», un «potentiel» beaucoup plus élevé. Le flair pour ce que le public demande (ou pour ce qu'il est possible de lui faire demander), l'instinct littéraire sain, un jugement critique et le vif désir de publier de la bonne littérature – tout cela, ce sont choses excellentes et désirables ; mais pour la routine quotidienne de la maison d'édition, d'autres qualités sont encore plus essentielles.
C'est ce qui apparaîtra clairement, à ce que je crois, quand j'aurai, comme c'est mon intention, décrit d'un bout à l'autre et aussi simplement que possible, tout le processus de l'édition. Mon but n'est pas d'enseigner le métier d'éditeur (il ne s'apprend pas si aisément que cela!), mais de renseigner ceux qui ne sont pas du métier, et particulièrement tous ceux qui, comme auteurs ou lecteurs, ont le culte du Livre.»
Stanley Unwin.