La Horde

Vataga
Trad. du russe par André Beucler
Collection Jeunes Russes
Gallimard
Parution
«On serait injuste à l'égard des partisans de Sibérie, et on le serait également à l'égard de l'auteur, si l'on cherchait dans Vataga un retentissement intégral de cette vaste insurrection paysanne.
En relatant d'un point de vue pittoresque les événements qui se sont déroulés en 1919 dans le rayon de Kouznietskoe, gouvernement de Tomsk, l'auteur était loin de penser qu'il ferait œuvre épique. Peut-être, après enquête menée sur place avec plus de patience, reviendra-t-il un jour sur ce sujet complexe et chargé ; il estime pourtant qu'un écrivain de l'époque actuelle ne serait pas en mesure de tracer à lui seul un tableau historiquement exact et complet de cette rébellion, qui, sous les ordres de Iakovenko et de tant d'autres, permit aux paysans du corps Chtchétinkine de se révéler particulièrement héroïques.
Ce mouvement révolutionnaire est par son essence un mouvement sibérien à la Pougatcheff. L'auteur s'y intéressa comme à une manifestasion violente de la négation absolue de tout ordre. Mais, ne disposant que de renseignements incomplets sur la horde de Zikoff, il a négligé ici une matière purement historique pour ne mettre en évidence que la psychologie des masses livrées à elles-mêmes sans principe directeur. Ainsi, les événements rapportés dans ce livre sont dérivés de la réalité des faits : les caractères des personnages sont excessifs, les situations sont forcées.
C'est également à dessein que l'on n'a mis en scène dans Vataga qu'une seule classe de paysans révoltés, mêlés à des prisonniers de droit commun et à des évadés de bagne, au moment d'une véritable débauche d'instincts déchaînés. Zikoff, le héros du livre, et cette Vataga qui se plaça sous ses ordres, personnifiant cet énorme soulèvement d'un monde de paysans quasi barbares que ne guidait aucune règle précise en matière de révolution sociale. La révolte eut lieu pourtant ; on connaît ses chefs ; mais il ne faut pas chercher dans son déchaînement et dans son inévitable fin les traits particuliers à toutes les insurrections de paysans sibériens. La horde de Zikoff fut l'écume bouillante de la grande émeute populaire ; un lecteur attentif y découvrira déjà les étincelles d'où sortirent ces incendies qui plus tard devaient réduire à néant les forces considérables de Koltchak.
Pour inhumaine et cruelle qu'ait été cette tragédie, elle résonne pourtant des souffrances du peuple, de son désespoir, de sa colère. Le drame de la horde de Zikoff réside dans ses hésitations, dans son chaos, au fond d'elle-même. Sa défaite, et c'est la conclusion à laquelle est arrivé l'auteur, provient du contact de deux insurrections : celle des campagnes et celle des villes.»
Viatch Chichkoff.