Bernanos est avant tout un écrivain engagé, non pas au sens restreint et politique, mais au sens plein du terme. Pour lui, l'écriture n'est
pas un divertissement, mais un engagement qui répond à une vocation, un risque, une aventure spirituelle enracinée dans la fidélité à l'enfance – à la foi de l'enfance.
Dans l'œuvre de Bernanos, on a parfois trop tendance à opposer deux grands courants – courant
romanesque et courant «polémique» –, eux-mêmes rythmés par plusieurs cycles d'évolution. Courants et cycles ont certes leurs caractéristiques propres (l'esthétique de La Joie n'est pas celle de Monsieur Ouine et, entre La Grande
Peur et Les Grands Cimetières, le clivage est déterminé par la guerre d'Espagne), mais aussi et surtout un axe fondamental à partir duquel tout s'ordonne : une vision du monde spécifique.
Une même vision du monde, profondément originale, parfaitement cohérente, dessine, en effet, les zones d'ombre et de lumière des romans et des écrits «polémiques». Vision du monde
tragique, reflétée par trois prismes qui, plus que de Claudel ou de François Mauriac, rapprochent Bernanos de Pascal, Kierkegaard, Bloy et
Péguy : prismes existentialiste, catholique et christique. Ce qui est ici en cause, c'est une réflexion singulièrement aiguë sur le mystère
de l'Incarnation, c'est la vocation de l'homme du XXe siècle, le destin à la fois charnel et surnaturel du chrétien et de la France – personne morale – engagés dans l'Histoire envisagée comme une marche vers l'éternité.