En savoir plus sur la collection Le Chemin

« Le Chemin » est une collection de littérature française de création et d'essais critiques, dirigée de 1959 à 1992 par Georges Lambrichs (1917-1992). Elle contribua de façon remarquable à l'enrichissement du fonds des Éditions Gallimard, accueillant et réunissant sous son enseigne des œuvres qui, à bien des égards, furent de véritables révélations pour une génération de lecteurs – du Procès verbal de J.M.G Le Clézio à La Part manquante de Bobin, d'Éden, Éden, Éden de Guyotat à Rose-poussière de Jean-Jacques Schuhl, des Papiers collés de Georges Perros au Sentiment géographique de Michel Chaillou… Œuvres qui constituent aujourd'hui de véritables points de repères pour qui s'intéresse à la production littéraire de la deuxième moitié du XXe siècle. S'il est une « qualité chemin » (Nourissier), fait d'éclectisme et d'invention, on le doit d'une part à l'extraordinaire vitalité d'une génération d'écrivains et de critiques, la plupart nés dans les années 1930, d'autre part à la curiosité insatiable d'un éditeur singulier, Georges Lambrichs. 

« La première fois que je suis entré dans le bureau de Georges Lambrichs (l'une de ces pièces qui ressemblent à des chambres de bonne, et que connaissent bien les visiteurs de la rue Sébastien-Bottin), heureux et intimidé comme tant d'autres, je me souviens lui avoir demandé pourquoi sa collection s'appelait "Le Chemin". Je ne m'attendais certes pas à la réponse, laconique et simple : Parce que le chemin continue. » Gérard Macé, La NRF, juin 1992

D'hier à aujourd'hui

« On ne pressent pas Beckett. On ne décrète pas l'apparition de Le Clézio. Un beau jour, leur manuscrit arrive sur votre bureau. Vous y êtes sensible. C'est là votre seul métier, votre seul mérite. » C'est ainsi que Georges Lambrichs résumait l'itinéraire éditorial qui le mena en dernier lieu chez Gallimard, après des débuts en Belgique, suivis de douze années aux Éditions de Minuit (1945-1957) et d'un bref passage chez Grasset. Mais, jeune auteur, Lambrichs avait rencontré Jean Paulhan dès 1937 qui l'avait alors publié en revue ; leur dialogue ne connut depuis aucune interruption, notamment durant la période Minuit. Il avait d'ailleurs été très sérieusement question de son entrée chez Gallimard en 1952, via la reprise rue Sébastien-Bottin de sa revue 84. En vain. Il fallut attendre la fin de l'année 1958 pour que les discussions entre Gaston Gallimard et l'éditeur reprissent et aboutissent. Le 1er janvier 1959, Lambrichs rejoignait les équipes éditoriales de la NRF, où il devait proposer la création du « Chemin ». 

Si cette collection eut tôt fait d'accueillir quelques auteurs déjà édités par Gallimard (Klossowski, Pieyre de Mandiargues, Jouffroy, Trassard) ou Minuit (Butor), ou par d'autres éditeurs (Foucault et Starobinski venaient de Plon), sa véritable vocation fut de publier des premiers livres, d'écrivains ou de critiques : Jacques Serguine, Michel Deguy, Philippe Beaussant, Jean Roudaut, Pierre Bourgeade, Gérard Macé, Jude Stéfan, Henri Meschonnic… et plus tard, Jean-Marie Laclavetine, Paul Fournel, Henri Raczymow, Patrick Cahuzac y firent paraître ainsi leur premier ouvrage. Publiés par Lambrichs dans la revue Monde nouveau avant la création du « Chemin » tout comme Klossowski , Georges Perros confia à la collection le premier volet de ses Papiers collés (Poèmes bleus et Une vie ordinaire y seront également publiés, respectivement en 1962 et 1967). Dès février 1959, Lambrichs est en étroite relation avec Jean Starobinski, au sujet de L'Œil vivant (d'abord intitulé Le Regard et la Proie) qui ne paraîtra que deux ans plus tard, alors même que celui-ci est sous contrat avec Plon (tout comme Michel Foucault, dont pourtant Lambrichs publie en 1963, en marge de ses premiers écrits sur la folie, son essai sur Raymond Roussel).

1963 est une année charnière pour la collection ; le 18 octobre 1962, Lambrichs recevait une lettre d'un jeune Niçois, âgé de 22 ans et n'ayant jamais été publié, précédant l'envoi d'un manuscrit : « Pourriez-vous me dire dans quelle mesure la collection Le Chemin serait approprié à mon cas, celui de jeune auteur n'ayant encore jamais rien publié. Certains m'ont affirmé que cette collection était exclusivement réservée au Nouveau Roman ; mais est-ce à dire aux seuls élèves de la théorie du Nouveau Roman dont M. Robbe-Grillet est le Maître, ou le terme de Nouveau Roman est-il pris ici dans un sens un peu plus large, moins théorique. » Réponse de Lambrichs : « Je lirai volontiers et tout de suite votre roman. Quant à la collection Le Chemin, je pense que l'autonomie de chaque titre publié rejette l'idée, à mes yeux, d'une chasse gardée tant pour les maîtres que pour les pions. » On ne peut être plus clair… Le jeune auteur avait pour nom Jean Marie Gustave Le Clézio ; le roman était Le Procès-verbal, dont le succès fut immédiat, perçu comme une révélation, et qui reçut en 1963 le prix Renaudot. Il donnera douze autres ouvrages au « Chemin », dont L'Extase matérielle, Le Livre des fuites, Désert… D'autres succès commerciaux vinrent confirmer la reconnaissance par le grand nombre de la « qualité chemin », tandis que dans le même temps Lambrichs publiait ses auteurs fétiches, Michel Butor, Pieyre de Mandiargues, Jacques Réda, Jean-Loup Trassard… 

Un groupe se forme autour de Lambrichs, le groupe des auteurs publiés dans la collection et dans Les Cahiers du Chemin, revue animée par Lambrichs chez Gallimard de 1967 à 1977 année durant laquelle il prend la direction de La NRF. On y retrouve Jacques Réda, Ludovic Janvier, Michel Chaillou, Jean Roudaut, Jude Stéfan, Michel Deguy, Gérard Macé, Jean-Loup Trassard, Michel Butor, Jacques Borel… . « On nous disait du Chemin, nom de la collection chez le même éditeur » (Michel Chaillou).

Nombre d'entre eux ont choisi de prolonger leur route en d'autres lieux : la « Blanche », bien sûr (Stefan), mais aussi parfois dans « Bibliothèque des Idées » (Starobinski), « L'Infini » (Bourgeade), « L'Un et l'autre » (Bobin, Raczymow) ou « Le Cabinet des Lettrés » (Macé). Et plusieurs auteurs recrutés par Georges Lambrichs ont apporté à Gallimard leur propre science de l'édition, comme Jacques Réda ou Jean-Marie Laclavetine. Pour cela aussi, l'esprit « Chemin » est demeuré alerte.

« L'écrit jamais vu, jamais lu, jamais encore imprimé. Cela seul passionnait Lambrichs. » Dominique Aury

Brèves

  • En 1967, Georges Lambrichs crée la revue Les Cahiers du Chemin, qu'il animera jusqu'en 1977, date à laquelle il prendra la direction de La NRF.
  • Plusieurs auteurs de la collection prirent part à la vie éditoriale de Gallimard, siégeant au Comité de lecture : Jacques Réda, qui succéda à Lambrichs à la direction de La NRF, et Jean-Marie Laclavetine.
  • Aux traditionnels « déjeuners du Chemin », on partageait volontiers un plat de pâtes… On pouvait y croiser Jacques Réda, Ludovic Janvier, Michel Chaillou, Jean Roudaut, Jude Stéfan, Michel Deguy, Gérard Macé, Jean-Loup Trassard, Michel Butor, Jacques Borel…
  • Rares furent les textes du « Chemin » préfacés : Éden, Éden, Éden de Pierre Guyotat (1970) le fut pourtant, par Michel Leiris, Roland Barthes et Philippe Sollers !

Les auteurs les plus fidèles au « Chemin »

14 titres : Michel Butor 13 titres : J.M.G. Le Clézio 11 titres : Henri Meschonnic 9 titres : Jude Stéfan 8 titres : Pierre Bourgeade, Gérard Macé, Henri Raczymow, Jacques Réda, Jean Roudaut 7 titres : Michel Deguy 6 titres : Jean Demelier 5 titres : Philippe Beaussant, Jean-Marie Laclavetine, Jean Lahougue, Pascal Lainé, Roger Laporte, Georges Perros.

Quelques essais du « Chemin »

Michel Butor. Illustrations  Michel Foucault. Raymond Roussel  Denis Hollier. La Prise de la concorde. Essais sur Georges Bataille  J.M.G. Le Clézio. L'Extase matérielle  Gérard Macé. Ex Libris Henri Meschonnic. Pour la poétique  Jean Roudaut. Michel Butor ou le livre futur  Jean Starobinski. L'Œil vivant ; La Relation critique...

Poètes du « Chemin »

Michel Butor Claude-Michel Cluny Benoît Conort Michel Deguy Alain Duault Jean-Pierre Faye Pierre Lepère Gérard Macé Henri Meschonnic Georges Perros Jacques Réda Patrick Reumaux Jean Ristat Dominique Rouche Paul de Roux Jean-Philippe Salabreuil Jude Stéfan.

55 poches issus du « Chemin »

22 « Folio » : Jacques Almira. Le Voyage à Naucratis  Philippe Beaussant. Le Biographe ; L'Archéologue  Christian Bobin. La Part manquante ; La Femme à venir ; Une petite robe de fête  Pierre Bourgeade. Les Immortelles ; Les Serpents  Michel Chaillou. Jonathamour  Paul Fournel. Les Petites Filles respirent le même air que nous  Alain Jouffroy. Un rêve plus long que la nuit  Pascal Lainé. La Dentellière  J.M.G. Le Clézio. Le Procès-verbal ; Désert ; La Ronde ;Voyage à Rodrigues ; Printemps et autres saisons  Gérard Macé. Le Dernier des Égyptiens  Jacques Réda. L'Herbe des talus  Nathalie Sarraute. Vous les entendez ?  Jean-Noël Schifano. Chroniques napolitaines  Jacques Serguine. Éloge de la fessée.
3 « Folio Essais » : Michel Foucault. Raymond Roussel  J.M.G. Le Clézio. L'Extase matérielle  Jacques Réda. L'Improviste (une lecture du jazz).
3 « Tel » : Michel Deguy. La Machine matrimoniale ou Marivaux  Jean Starobinski. L'Œil vivant ; La Relation critique.
20 « L'Imaginaire » : Philippe Beaussant. L'Archéologue  Jacques Borel. L'Adoration  Michel Chaillou. Le Sentiment géographique  Pierre Guyotat. Tombeaux pour cinq cent mille soldats ; Éden, Éden, Éden  Pierre Klossowski. Les Lois de l'hospitalité  J.M.G. Le Clézio. La Fièvre ; Le Livre des fuites ; La Guerre ; Les Géants ; Voyages de l'autre côté ; L'Inconnu sur la terre  Gérard Macé. Vies antérieures  Georges Perros. Papiers collés, I, II et III André Pieyre de Mandiargues. Porte dévergondée ; Sous la lame  Jean Tardieu. On vient chercher Monsieur Jean  Jean-Loup Trassard. Paroles de laine.
7 « Poésie/Gallimard » : Michel Deguy. Donnant donnant Gérard Macé. Bois dormant  Georges Perros. Une vie ordinaire  Jacques Réda. Les Ruines de Paris ; Amen, Récitatif, La Tourne ; Hors les murs  Jude Stéfan. À la vieille Parque précédé de Libères.

Prix et distinctions 

Prix Goncourt : L'Adoration de Jacques Borel (1965), La Dentellière de Pascal Lainé (1974) 
Prix Renaudot : Le Procès-verbal de J.M.G. Le Clézio (1963)
Prix Médicis : Le Voyage à Naucratis de Jacques Almira (1975), L'Irrévolution de Pascal Lainé (1977) 
Prix Femina-Vacaresco : Ex libris de Gérard Macé (1980)
Grand Prix littéraire de la Ville de Paris : Hors les murs de Jacques Réda (1983) 
Prix Leduc de l'Académie française : La Dentellière de Pascal Lainé (1974) 
Prix Mottard de l'Académie française : Les Serpents de Pierre Bourgeade (1983)
Prix Lucien Tisserand de l'Académie française : Les Chagrins d'aimer de Dominique Richard (1983).
Prix des Critiques : L'Ancolie de Jean-Loup Trassard (1975), L'Herbe des talus de Jacques Réda (1984)
Prix Félix-Fénéon : Fragment du cadastre de Michel Deguy (1961), Le Bénéfice du doute de Claude Fessaguet (1966), La Saisie d'Henri Raczymow (1975), L'Éclipse de Gilles Quinsat (1986), Les Emmurés de Jean-Marie Laclavetine (1981), Pour une île à venir de Benoît Conort (1988), Parole de singe de Patrick Cahuzac (1990) 
Prix Max-Jacob : Poèmes de la presqu'île de Michel Deguy (1962), Amen de Jacques Réda (1969), Dédicaces proverbes d'Henri Meschonnic (1972) 
Prix François-Coppée : Hors les murs de Jacques Réda (1983) 
Prix Valéry-Larbaud : Hors les murs de Jacques Réda (1983), Donnafugata de Jean-Marie Laclavetine (1988)
Prix de l'Académie Mallarmé : Les Gisants de Michel Deguy (1985) 
Prix littéraire de la vocation : Loin d'Aswerda de Jean-Marie Laclavetine (1983) 
Prix Max Barthou : Une ville grise de Pierre Bourgeade (1979), Loin d'Aswerda de Jean-Marie Laclavetine (1983)

Création : 1959
Premier titre : Jacques Serguine. Les Fils de rois (1959)
Meilleure vente : Pascal Lainé. La Dentellière (1974)
Format : 105 x 185 - 118 x 185 - 140 x 205 mm.
Tous les titres de la collection Le Chemin
La revue Les Cahiers du Chemin

 

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