Un Américain cherche son âme

Shipwreck in Europe
Trad. de l'anglais (Hongrie) par Armand Dandieu et Robert Kiefée
Collection Les Livres du Jour
Gallimard
Parution
Ulric-Raphaël Smith, las de la vie automatique et familiale qu'il mène aux États-Unis, vient chercher dans l'Autriche d'après-guerre à la fois l'aventure romantique et la cure psychanalytique. Il trouve à Vienne un aimable philologue, le professeur Frankel, qui l'introduit auprès de ses amis : Frau Fischer, philanthrope dynamique et hôtesse spirituelle ; le docteur Berger, psychanalyste promoteur des cures rapides, enfin Jessica et son frère Max, elle gracieuse et douce créature, exquise musicienne, lui, ardent, idéaliste et marxiste fanatique. Ulric confie sa névrose aux soins du docteur Berger qui le psychanalyse à toute vitesse. Entre temps Ulric tombe amoureux de Jessica, la poursuit de ses assiduités et, complètement désaxé dans ce monde nouveau, la viole un jour d'hiver qu'il l'avait entraînée chez lui pour prendre le thé.
La cure d'Ulric le lançant à bride abattue à la recherche du rationnel et du réel, du fordisme en amour, il a la chance de retrouver une vraie girl américaine, Nausica, superbe journaliste, émancipee de tout préjugé, riche d'une absence complète d'imagination et de sensibilité, au bras de laquelle il quitte bientôt Vienne pour parcourir l'Europe. Les voici à Londres, puis à Paris, puis à Berlin. Mais au fur et à mesure qu'Ulric visite notre vieux continent, il le comprend de moins en moins. Il obtient le divorce auquel sa femme a fini par consentir à prix d'or, selon la mode américaine et il en éprouve une impression passagère de liberté joyeuse. Le vrai sujet du roman, c'est le désarroi moral et intellectuel d'Ulric Smith passant de la psychanalyse aux voyages, des voyages à la noce et de la noce à la littérature sans pouvoir rien saisir de ce qui se passe en lui et autour de lui.
Symbole du désordre de l'âme moderne cachée sous le rationalisme optimiste, symbole de la fausse curiosité et de l'arrogance qui se croit réaliste, errant en aveugle, inexorablement solitaire dans la diversité des choses, des sentiments et des traditions ; symbole du conflit de l'Amérique et de l'Europe, symbole, enfin, du mal du siècle. Tout cela au cours d'un film qui déroule l'essaim bariolé des diverses sociétés nationales et internationales des grandes capitales.
À l'arrière-plan, le paysage pur et calme d'un lac des Alpes de Styrie, le décor de douceur et de noblesse qui a inspiré Mozart et Schubert ; Max Klein, dans un petit village dont la simplicité immuable évoque les éléments permanents de la nature humaine, discute avec un ami, un aristocrate romantique, des problèmes essentiels qui agitent le monde moderne.
Ulric, convaincu enfin, au bout de quelques chapitres, de son incapacité à comprendre l'Europe, retourne dans son pays, pour y chercher le refuge de la simplicité américaine.
Ce livre, très bien accueilli en Angleterre, a fait scandale en Amérique : on pouvait s'y attendre!