Ligues et complots
. Trente ans à la rue des Saussaies
Collection Sous la Troisième
Gallimard
Parution
«Je ne suis pas un historien. Jamais je n'ai songé à me parer de ce titre pompeux : Historien! Je n'écris pas avec la plume du paon.
Pas davantage ne suis-je un historiographe. L'historiographe est le plus souvent un courtisan. Je ne sais ni courber ni tendre l'échine.
Je ne suis, ne veux être qu'un témoin.
Minuscule témoin, terrifiant tribunal : l'Histoire!
Mais là, j'ai quelque entraînement. J'ai déposé en de retentissants procès, dans des salles bondées, surchauffées par les passions qui violemment se heurtent, visé par vingt objectifs, croqué par autant de crayons impitoyables, mes moindres mots fixés par la sténographie, sans appel, sans le recours de la révision des épreuves.
Ici, rien de pareil. Je dépose dans le calme, par T. S. F.
Et je prête l'obligatoire serment :
– Je jure de parler sans haine et sans crainte, de ne dire que la vérité...
Avec ce léger correctif :
– Je jure de ne pas dire toute la vérité.
Toute la vérité, pas encore. Ce sera pour plus tard : en appel ou en cassation.
Mais peut-être en dirai-je assez, dès aujourd'hui, pour intéresser le lecteur.
Et je veux croire, impénitent optimiste, que le lecteur sera tout indulgence pour un vieil apprenti des lettres dont la seule excuse est son souci d'exactitude et son absolue bonne foi.»
Jean France.
Pas davantage ne suis-je un historiographe. L'historiographe est le plus souvent un courtisan. Je ne sais ni courber ni tendre l'échine.
Je ne suis, ne veux être qu'un témoin.
Minuscule témoin, terrifiant tribunal : l'Histoire!
Mais là, j'ai quelque entraînement. J'ai déposé en de retentissants procès, dans des salles bondées, surchauffées par les passions qui violemment se heurtent, visé par vingt objectifs, croqué par autant de crayons impitoyables, mes moindres mots fixés par la sténographie, sans appel, sans le recours de la révision des épreuves.
Ici, rien de pareil. Je dépose dans le calme, par T. S. F.
Et je prête l'obligatoire serment :
– Je jure de parler sans haine et sans crainte, de ne dire que la vérité...
Avec ce léger correctif :
– Je jure de ne pas dire toute la vérité.
Toute la vérité, pas encore. Ce sera pour plus tard : en appel ou en cassation.
Mais peut-être en dirai-je assez, dès aujourd'hui, pour intéresser le lecteur.
Et je veux croire, impénitent optimiste, que le lecteur sera tout indulgence pour un vieil apprenti des lettres dont la seule excuse est son souci d'exactitude et son absolue bonne foi.»
Jean France.