Le sang plus vite

Collection Blanche
Gallimard
Parution
Les gens disent à l'envi que le conte est mort mais, à vrai dire, il ne s'est jamais si bien porté. L'anthologie universelle de short histories, publiée chaque année aux États-Unis, suffirait à le prouver. Et cette vogue du récit très bref se comprend bien, car réussir un beau conte semble une gageure. Le romancier dispose de trois cents pages pour ligoter le lecteur et lui appliquer le masque de chloroforme tandis que le conteur doit tout de suite l'assommer d'un coup de poing...
L'auteur de ces récits péruviens veut lui aussi aller vite en besogne, mais il a la chance d'avoir à sa disposition un pays déjà romancé par la destinée où l'histoire et la légende, la réalité et le songe s'imbriquent de façon extraordinaire. Le paradis et l'enfer s'y trouvent. La plus délicieuse sainte de l'Amérique latine et du monde, Sainte Rose de Lima, dont le nom faisait rêver Barrès, est née au Pérou ; la plus charmante pécheresse de Lima, Mlle Villegas, a fait une carrière internationale sous le nom de la Périchole. L'auteur de ces contes a vu "de ses yeux que la terre mangera", – comme disent les vieilles femmes du pays – l'orteil de l'apôtre Saint-Thomas gravé sur la pierre lorsqu'il vint atterrir sur une montagne péruvienne ; il a mâché les feuilles de l'arbre national de la coca qui plonge ses racines en enfer selon le témoignage de toute sorte d'historiens honorables. Et si le narrateur veut descendre de ses solitudes glacées vers le fleuve le plus large du monde, l'Amazone, tout devient fabuleux dans un climat de Genèse, les hommes, les bêtes, les dieux aux dents taillées en pointe pour manger de la chair humaine.
Bien assis dans ce chantier de l'Invraisemblable, le conteur n'aura qu'à ouvrir les yeux sur son magique et magnifique Pérou. Ce n'est pas plus difficile que ça.
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