Le paradis des amants

Par quelle longue, attentive et minutieuse conquête, Claude de Kérohan, d'ailleurs diplomate, a-t il su conduire la pieuse et pure Claire de Thuriès, la radieuse Clarissime, du mysticisme à ce que l'amour humain a de plus âpre et de plus tragique : la possession charnelle?... Par quelles voies ensuite, impénétrables suivant la parole trop répétée, impénétrables certes, la grâce divine essaiera-t-elle à son tour de reconquérir Claire?... Tentation, tentative de suicide ; tentation, les bras de l'amant noués autour d'elle, liens et amarres, refuge et prison ; tentation, l'orgueil de se perdre et celui de se reprendre... Tout le talent du romancier ne sera-t-il pas de nous rendre proche cette lutte de Jacob contre l'ange et de nous laisser incertains jusqu'au dernier moment de son issue?
Paradis des amants, où passe par instants l'ombre lointaine mais puissante de ce Rabevel que nous n'avons pu oublier, où glisse à chaque page la belle figure d'Angèle Régis, amante et victime de Rabevel...
Paradis des amants, tragédie aussi d'une vieille famille dont le sang appauvri refuse de résister aux orages de la passion et de la foi, dans ce cadre sévère de rocs et de torrents des Cévennes, que Lucien Fabre aime recréer à son image tourmentée...
Paradis des amants, évocation de ce qui nous fait trembler et défaillir ; la luxure et la pitié, – invocation pleine d'espoir fervent à la sagesse et à la force qui nous peuvent défendre, – œuvre émouvante où nous retrouvons l'écho parfois du pessimisme désespéré d'Élémir Bourges et souvent le souffle salubre et déchaîné de Paul Claudel.