Le Lied romantique allemand

Première parution en 1957
Nouvelle édition en 1982
Collection Les Essais (no221)
Gallimard
Parution
«Pour "Phydilé", pour "Nell", pour "Recueillement", nous n'emploierions jamais le terme de "Lied". Nous sentons bien que cette notion ne recouvre ni Duparc, ni Fauré, ni Debussy. Le Lied est d'une autre terre. Il répond à un autre paysage de l'esprit.
Comme tous les termes commodes, celui-là paraît difficile à saisir sitôt qu'on lui demande quelque précision sur sa nature. Qu'y a-t-il de commun entre un Lied de Schubert, un Lied de Hugo Wolf ou de Richard Strauss? Et, à plus forte raison, entre "Marguerite au rouet" et le "Lied von der Erde" de Gustav Mahler? Qu'y a-t-il, même, de commun entre "Le Roi des aulnes", "La Truite" ou "Le Groupe au Tartare" d'un même Schubert?
Le Lied passe pour un phénomène d'essence et d'origine "populaire"? Pure illusion pour peu qu'on se penche sur sa naissance et son évolution. Si son nom a été donné à une forme musicale assez bien définie, on s'aperçoit que lui-même n'y répond pas. Phénomène musical, le Lied est-il aussi un événement littéraire? A-t-il des implications sociales, philosophiques, qui le feraient dépendre d'une certaine conception du monde? Est-il plus ou même autre chose, que l'accouplement d'un texte et d'une mélodie accompagnée? Son poids de Lied suppose-t-il une disposition particulière de l'esprit vis-à-vis de la musique et du texte, ou vis-à-vis de l'univers qu'à deux ils définissent? En ce sens, comment se situe le "Lied", par exemple, face à la "Romance"? On s'aperçoit que toute tentative que l'on fait pour saisir ce phénomène apparemment simple, et en réalité d'une complexité infinie, conduit à suivre, avec le Lied, une immense aventure de l'esprit, et qui n'est point terminée, qui s'est définie, et dans une certaine mesure épuisée, avec le Romantisme allemand.
Comment le Lied de Schubert, préparé par les précurseurs, s'est développé en un siècle, comment il a servi de révélateur à un monde littéraire et spirituel, en même temps qu'aux personnalités les plus diverses de musiciens et de poètes, comment il devait peu à peu déborder de son cadre, s'enfler de ses ambitions, et se livrer à la tentation d'un gigantisme où s'évanouirait sa notion même ; comment enfin les "Gurrelieder" d'un Schoenberg le mettraient à la fois devant un point final, et la nécessité d'une résurrection d'où jaillirait une nouvelle histoire (pour laquelle il nous manque encore le recul) : tel est le but de ce livre.
On espére qu'il servira et la cause du Lied et les efforts des chanteurs pour le saisir, et ceux du public musicien pour en pénétrer l'essence.»
Marcel Beaufils.
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