La Crise du progrès
. Esquisse d'une histoire des idées (1895-1935)
Collection Problèmes et Documents
Gallimard
Parution
«L'idée de progrès est un aspect de la réflexion en l'homme de son destin. C'est un des principaux jugements de valeur que l'homme porte sur sa condition, dans le passé, le présent et l'avenir. Ces jugements semblent aussi anciens que la méditation, et peut-être que la poésie elle-même. On les retrouve à l'aube des civilisations que nous connaissons, profondément divers dans leur forme et leur substance, selon l'état de la société, des techniques, des connaissances, selon les événements.
Mieux vaudrait en ce cas parler des idées de progrès, composées d'éléments extrêmement complexes et variables, et de maturité variable aussi : et certes, dans la mesure où leur expression s'appuie à des notions scientifiques comme l'évolution des espèces, ou la lente découverte des lois naturelles, leur diffusion tardive n'a pas de quoi étonner. Pas plus que la variété de ces images où l'homme a regardé et jugé sa condition et son avenir...
Cependant, n'est-ce pas toujours la même question qui se pose? L'homme est aux prises avec les problèmes de la vie et de la mort, les misères de sa condition, les passions du corps et de l'esprit. La technique de son élévation, et la confiance qu'il place en elle, s'expriment de la manière la plus diverse selon les milieux, la structure de la société, les moyens de la production économique, les outils de la connaissance. Autrement pour l'habitant du Vᵉ siècle d'une cité du Péloponèse, que pour celui d'une nation démocratique au cœur de la révolution industrielle du XIXᵉ siècle, autrement pour Platon que pour Michelet. Mais il s'agit toujours de lutter avec les forces contraires au bien du corps et de l'esprit, de tendre à élever l'homme par une compréhension lucide de sa destinée. Et même pour Platon (dont on a voulu faire, par une étrange déformation de sa vie et de sa pensée, le modèle d'une lignée de "clercs" désintéressés de l'action politique), le sage, une fois mûr et sûr de lui, doit participer activement au gouvernement des hommes. Lui seul peut, en réalisant l'alliance de la puissance politique et de la sagesse, faire cesser les maux des États et de l'espèce humaine tout entière, jeter les bases de la République idéale. [...]»
Georges Friedmann.
Mieux vaudrait en ce cas parler des idées de progrès, composées d'éléments extrêmement complexes et variables, et de maturité variable aussi : et certes, dans la mesure où leur expression s'appuie à des notions scientifiques comme l'évolution des espèces, ou la lente découverte des lois naturelles, leur diffusion tardive n'a pas de quoi étonner. Pas plus que la variété de ces images où l'homme a regardé et jugé sa condition et son avenir...
Cependant, n'est-ce pas toujours la même question qui se pose? L'homme est aux prises avec les problèmes de la vie et de la mort, les misères de sa condition, les passions du corps et de l'esprit. La technique de son élévation, et la confiance qu'il place en elle, s'expriment de la manière la plus diverse selon les milieux, la structure de la société, les moyens de la production économique, les outils de la connaissance. Autrement pour l'habitant du Vᵉ siècle d'une cité du Péloponèse, que pour celui d'une nation démocratique au cœur de la révolution industrielle du XIXᵉ siècle, autrement pour Platon que pour Michelet. Mais il s'agit toujours de lutter avec les forces contraires au bien du corps et de l'esprit, de tendre à élever l'homme par une compréhension lucide de sa destinée. Et même pour Platon (dont on a voulu faire, par une étrange déformation de sa vie et de sa pensée, le modèle d'une lignée de "clercs" désintéressés de l'action politique), le sage, une fois mûr et sûr de lui, doit participer activement au gouvernement des hommes. Lui seul peut, en réalisant l'alliance de la puissance politique et de la sagesse, faire cesser les maux des États et de l'espèce humaine tout entière, jeter les bases de la République idéale. [...]»
Georges Friedmann.