Blessures
Collection Blanche
Gallimard
Parution
N'appartient plus au catalogue de l'éditeur depuis 
1985
Pas d’intrigue plus simple que celle du roman de Willems, Blessures. Il s’agit essentiellement d’une jeune folle fort belle, qu’un accident prive de sa beauté ; et que son fiancé abandonne. De cette anecdote amère, l’auteur a tiré un roman plein d’une intense et douloureuse poésie. Ses héros sont des paysans belges, – un peu primitifs. Leur méchanceté est toute instinctive, comme le sont leurs amours. Ils aiment et haïssent avec un naturel parfait, et comme s’ils obéissaient à quelque chose de plus fort qu’eux. Oscar Trogh, Maria, le grand Jean, – figures pleines de violences et d’appétits, auxquelles s’oppose, – mais pour en être écrasée – celle, touchante, de Suzanne, l’héroïne qui mourra. Autour de ces gens pleins de passion, la nature aussi est farouche. Dans l’été torride, les forêts brûlent. Les travaux deviennent écrasants. Les hommes n’ont plus de refuge qu’à l’auberge de la grosse Maria, où coule la bière fraîche qui les enivre, déchaîne tous leurs appétits.
Au milieu de cette sorte de fureur de vivre, – dont le sommet est sans doute dans les pages qui décrivent la lutte contre l’incendie, – une autre poésie à sa place, intime et fraîche celle-là : les premières amours de Suzanne et de Nicolas, et, surtout, cette extraordinaire messe de minuit où chaque fidèle amène à l’église celle de ses bêtes qu’il adore particulièrement.
Blessures : le titre est ambigu. Blessures du corps, blessures du cœur, il n’est pas un des héros du livre qui ne porte les siennes, et n’en vive, ou n’en meure. L’auteur a fait preuve, dans le choix de ces blessures, d’une merveilleuse et très sûre cruauté.