Contre terre
Gallimard
Parution
Ce n'est pas en vain que René de Solier s'est passionnément attaché à l'histoire naturelle, puis aux problèmes du langage. Contre Terre se présente un peu comme le point de rencontre de ces deux disciplines spirituelles, comme un carrefour mystérieux dans la forêt de la poésie. Ces très courts textes en prose ont parfois l'apparence d'une description de naturaliste : brins
d'herbes, mousse, minuscules bestioles, fleurs, ailes ou carapaces d'insectes, tout le monde infiniment divers qu'on découvre, comme à travers une loupe, à ras de terre, ont exigé de l'auteur une précision rigoureuse dans l'expression. Mais attention, soit par une image, soit par une invention, soit par un seul mot, la poésie du texte se dégage, s'insinue dans l'esprit du Iecteur et ne le lâche plus : «Je déshabille I'ivraie un matin de gel, jusqu'aux grumes enfin clairsemées. Leurs jupes, sous la gerce du vent, orientent vers l'humus un ventre de rousseur. L'épi trop lourd livre sa semence quand le battoir s'abat – mais le vent serre, conduit à l'étau toute tête riche d'un poids dont elle ne sait que faire.» Ainsi peu à peu s'édifie devant nous un monde étrange, fait de réalité et d'imagination, qui s'offre avec le plus grand naturel et la plus exacte vérité, et qui se prolonge en ondes subtiles et tenaces.