Si on le prend dans son sens le plus direct, ce titre découle du lieu dans lequel se placent les scènes essentielles du livre. On peut toutefois lui donner une acception plus large, où résonnent les échos de la vieille phrase de Plaute : «L'homme est un loup pour l'homme».
Les créatures les plus sauvages ne sont pas ici les bêtes, mais des hommes : les maîtres du domaine de Lern. L'un, à faire la guerre depuis l'adolescence, sur tous les champs de bataille de la Révolution, du Consulat et de l'Empire, a contracté le goût de tuer. Ses enfants recourent au meurtre, poussés par l'avidité d'un désir, par la haine, le besoin de revanche ou simplement l'égoïsme.
La terre est livrée aux instincts des loups. Et cependant, parce que la violence et la férocité finissent toujours par être perdantes, les héros de ce roman qui se sont faits, volontairement ou malgré eux, les serviteurs de la mort, expieront durement à Lern la faute d'avoir choisi la cruauté.
L'amour même ne les rachètera pas, au contraire.
Ce n'est pas là conclusion arrangée par un moraliste, mais un exemple fourni par la réalité la plus authentique, car les principaux personnages du livre ont existé. Si leur histoire porte ici l'étiquette : roman, c'est pour la part de supposition, d'imagination, qui entre nécessairement dans une reconstitution de ce genre.
Les faits sont réconfortants. Après cent ans de drame, la vie triomphe, à Lem, de la mort. Ce qui fut la Terre aux Loups est à présent un pays paisible, et la tragique gentilhommière une maison heureuse. Ainsi ce roman vrai montre qu'il n'existe pas de lieux maudits, que nous forgeons nous-mêmes notre destin avec notre force ou nos faiblesses, notre lucidité ou notre aveuglement. Mais tout cependant ne dépend pas de nous seuls. Coupables, les maîtres de Lem n'en furent pas moins, dans une certaine mesure, des victimes de leur époque et de leur milieu.