Pierre qui roule

Collection Blanche
Gallimard
Parution
Pierre avait douze ans quand ses parents ont été arrêtés et fusillés, à Lyon, par la Gestapo. II a été placé chez des cultivateurs où il a grandi comme leur enfant, participant à tous les travaux de la terre, jouant aux jeux des petits paysans. Il aime profondément cette vie, en dépit de ses dispositions exceptionnelles pour «les études» ; l'affection simple de ses patrons, qui ne demandent qu'à l'adopter, suffit aux besoins de son cœur, d'ailleurs comblé par le sentiment qu'il éprouve pour Jeannette, une fillette de son âge. Il passe brillamment son certificat, mais n'a d'autre ambition que de rester aux Bruyères, entre Tonton et Tantine. Mais une tante, tutrice légale de l'orphelin, en décide autrement, et lui fait obtenir les bourses nécessaires pour qu'il poursuive son instruction. Et le voilà arraché à sa vie de petit paysan satisfait de son sort.
Éternel boursier par la suite jusqu'à la sortie de Polytechnique, Pierre, qui a subi toutes les nostalgies et les humiliations du garçon mal habillé, puis du jeune homme sans argent pour ses plaisirs, a conquis enfin la belle situation à laquelle sa sortie «dans la botte» lui a donné droit. Il a eu quelques petites amies, et se trouve presque fiancé à la fille d'un gros industriel. Il vient aux Bruyères voir «Tantine», devenue veuve, lui montrer sa voiture-sport, ses vêtements assortis, sa réussite en un mot. Il veut aussi revoir Jeannette, qu'il n'a jamais oubliée, et autour de lui se rassemblent tous les souvenirs tendres et poétiques de son enfance. Elle est toujours ravissante, l'accueille fort gentiment, va à la foire avec lui, danse avec lui, se donne enfin à lui. Mais Jeannette est trop raisonnable pour rêver d'un mariage avec lui. Ils seront donc séparés, moins tragiquement que les amants de la ballade lyonnaise «Pierre et Jeannette», mais victimes cependant de différences sociales.
Le récit est fait sur deux plans, et le talent de Marc Michel est de les faire se chevaucher constamment : la vie du petit Pierre est racontée au style indirect, alors que la vie du jeune homme est décrite à la première personne. Et l'on passe de la vie campagnarde où la nature de l'enfant, à la fois réaliste, bien équilibrée, sensible et poétique, s'épanouit à celle de la ville où travaille le jeune homme humilié, nostalgique.