Parages

Le narrateur entre à la tombée du jour dans un café, s'installe en veillant à réunir autour de lui certaines conditions de confort (regards, bruits, spectacles ambiants) qui lui permettront de commencer ce qu'il nomme lui-même son «enquête». On apprend qu'il attend son ami Vincent, rentrant en voiture d'un voyage en Bretagne, qu'il a aimé, qu'il aime encore Blanche, la femme de Vincent avec laquelle il a dû rompre un an plus tôt, qu'il est étranger, qu'il a connu dans Paris des années de solitude et de pauvreté dont Vincent l'a aidé à sortir. Mais la recherche se développe, passionnée, dans la mesure où, obstinément lucide, il va tenter de mettre de l'ordre dans le mouvement de ressac qu'est pour lui le déroulement de la vie. Quels «parages» intérieurs se dévoilent au bout de ce voyage où Blanche semble avoir un curieux rôle de guide? Il fera d'exaltantes découvertes, mais il apprendra aussi, avec effroi, pourquoi l'homme qu'il attendait ne devait pas arriver.
Une histoire d'amour : autant dire une expérience spirituelle. L'écriture, la composition rigoureuse du récit en épousent les étapes. Le monologue intérieur est le lieu même où s'exerce la surveillance de l'esprit «attentif» et, en ce sens, si l'auteur recoupe les modes du nouveau roman, c'est pour en dépasser la portée par une recherche originale plus ample : qu'est·ce que cette maîtrise du flux psychologique, cette distance et séparation, sinon la démarche de l'esprit en quête de sa propre vérité?
Théodore Cazaban est un artiste obsédé par la vérité ; il ne craint pas de revenir sans cesse sur les contours déjà creusés, de retoucher les lieux, les êtres, les événements, d'en extraire des significations paradoxales, atteignant ainsi à une sorte d'éclatement, d'où émerge, absolument préservée, la figure merveilleuse de Blanche.