Le Film de ma vie

, tome I
Gallimard
Parution
«J'ai souvent eu envie d"être heureux : c'est pourquoi je me suis toujours efforcé d'oublier les personnages désagréables que les circonstances avaient sournoisement glissé vers moi. Les "mauvais" dont j'eus quelque peine à me défaire n'ont guère plus de place en ma mémoire qu'un méchant furoncle devenu prétexte à rigolade dès qu'il ne gêne plus pour s'asseoir. Quand Pierre Loiselet m'eut donnée l'idée de fixer mes images de jeunesse je m'aperçus en le faisant que ce n'était pas un travail mais une joie. Sans doute parce que rien n'encrassait des souvenirs que je n'ai pas eu à filtrer.
Je m'excuse d'avoir déballé sans ordre ni méthode ce qui a paru suffisant à un éditeur pour faire un livre. Je crois que le respect est un sentiment qni me fait défaut tout au moins en ce qui concerne les règles, les usages et les codes. Cette lacune étant congénitale je ne puis ni m'en flatter ni m'en plaindre. Je constate seulement qu'elle m'a contraint à demeurer, en toutes choses, un amateur. C'est-à-dire à ne jamais toucher de salaire pour ce que j'entreprends mais à gagner des lots d'importance variable aux différentes loteries de la vie. S'il faut un certain culot pour faire profession de timidité cette qualité (?) n'est pas nécessaire pour écrire un premier volume qui n'a, en somme, pas grand chose à tenir puisqu'on n'a rien promis. D'aucuns m'ont trouvé trop jeune pour publier mes mémoires et je les en remercie mais je me demande s'il ne vaut pas mieux dire une fois la vérité avant d'écrire des romans? Le premier en est déjà à la page page 14...»
René Lefèvre.