La dernière fanfare

Trad. de l'anglais (États-Unis) par Jeanne Collin-Lemercier
Gallimard
Parution
La politique, vue à distance par ceux qui n'y connaissent rien, semble souvent confuse, ennuyeuse, malpropre, et fait l'objet de jugements aussi sévères que simplistes. Mais que le hasard les mette en contact avec un milieu politique précis, et l' intérêt de ces censeurs s'éveille aussitôt, ils découvrent mille explications à tout un ordre de faits.
Tel est le cas de l'un des personnages essentiels de ce livre, Adam Caulfield, que l'on soupçonne de s'identifier fort souvent avec l'auteur. Ce jeune homme, de son métier dessinateur de bandes comiques, est le neveu d'un célèbre homme politique, Frank Skeffington, maire d'une grande ville imaginaire qui pourrait être Boston ou Philadelphie. Le jour de son soixante-douzième anniversaire, Skeffington décide de se présenter encore une fois à la mairie.
Sentant le besoin d'un compagnon et d'un témoin pour cette nouvelle campagne, il propose à son neveu de l'accompagner dans les meetings, les banquets, les réunions où il se produira. Adam accepte. La campagne commence. Nous découvrons alors, à travers les yeux du jeune homme, la vie et la personnalité passionnantes du vieil homme politique ; nous sommes initiés à ses méthodes de gouvernement ; nous nous demandons très vite, comme Diderot : «Est-il bon, est-il méchant?» Ses ennemis le traitent de forban, ses amis se feraient tuer pour lui : tout le monde lui reconnaît une intelligence et un charme extraordinaires.
Adam Caulfield, lui, est conquis, d'autant plus que pendant leurs innombrables courses en voiture à travers la ville, Skeffington lui apprend l'histoire de cette grande cité et lui raconte le drame des immigrants irlandais qui n'ont réussi qu'après de longues luttes, et en grande partie grâce à lui, à s'y faire une place. La volonté farouche de Skeffington, son manque de scrupules, sa folle générosité, son indulgence envers tous les parasites qui l'entourent, s'expliquent par cette origine d'Irlandais misérable qui est la sienne, par la dureté de cœur et l'arrogance des premiers occupants de la ville.
Des personnages très divers, pris soit dans l'entourage de Skeffington, soit parmi ses adversaires, mettent leur note pittoresque dans ce vaste tableau, et leurs réactions contribuent à la compréhension de l'ensemble.
La campagne s'avance, la victoire approche. Skeffington est certain d'être réélu. Il entend déjà la fanfare qui saluera son triomphe... Mais le sort en a décidé autrement.