Justine

Collection Blanche
Gallimard
Parution
«– Province fanée! dira peut-être Paris.
– Vieilles choses! crieront des provinciaux devenus d'un seul coup riches et avertis.
... Justine est éternelle comme tout ce qui participe de notre intime nature ; elle est vraie (et c'est souvent la même chose).
Que le bouquet de roses dans la salle à manger devienne selon la latitude une touffe de fleurs avides de soleil, un bouquet de perce-neige... qu'importe? Dans l'atmosphère Cadurcienne les roses restent vraies, comme les soucis et la coiffe d'Annette... comme Cahors, l'automne ou le printemps sur ses coteaux.
Le bouquet c'est l'affirmation douce de l'emprise des choses sur nous.
... 1908 – "Avant la guerre"! s'écrient de braves gens dans une moue lourde d'illusions perdues. Cette fois encore, qu'importe? Nous n'avons pas à discuter ici l'agrément d'une époque : nous allons vers elle, son angoisse, ses préjugés, ses heures de fraîche passion...
Avant la guerre... Cet âge que beaucoup ne savent pas retrouver dans le temps, cette époque de sérénité calme, un peu "bourgeoise" peut-être, mais accueillante et bonne par dessus tout.
... Cahors avec ses ponts, ses rues vides de bruit, ses vieilles vignes, somnole... Dans ce sommeil apparent où l'âme de la ville se complait, jalouse d'elle-même, l'auteur discrètement nous introduit. "Psychologue plus que poète" a-t-on déjà écrit. Je ne sais si ces termes ont mérité parfois d'être opposés, ou même si, les séparant, on n'attente pas à leur vie... Trop artiste pour s'être inquiété de ces choses, notre guide nous conduit par les sentiers (aux rares visiteurs) menant au plus caché d'une âme.
Plus d'attaches avec le temps! Justine avant tout est femme – une dame que nous saluons tous les jours... Mais ce qui donne à l'œuvre une odeur plus rare c'est l'étrange inquiétude qui monte autour de Justine dans le salon Cadurcien, dans la chambre de "L'Ami Pierre", plus tard dans la case du Laos...
– Angoisse éternelle, plus répandue dans les cœurs qu'on ne le croit, plus féminine surtout que le tourbillon d'un siècle ne le laisserait supposer – ... Et la réponse que donne doucement la Mort... le sourire que la Visiteuse oublie sur le visage aimé.
Et maintenant, songez en dégustant ce livre que si l'un ou l'une de vous s'adressant à l'auteur demandait :
– "Mais qui est·ce donc Justine?" vous recevriez peut-être des lèvres étonnées :
– "Justine... mais c'est vous!"»