Jacob
Collection Blanche
Gallimard
Parution
Dans ce roman qui n'est pas seulement, comme son titre semblerait l'indiqner, le portrait d'un individu, mais le tableau dramatique d'une famille juive originaire de Russie et venue s'installer à Paris pour fuir les pogroms, trois figures en pleine lumière assiègent notre sensibilité :
–le père, Mendèl Radansky, - Le Père, - use une vie humble, mais jamais résignée, de petit tailleur pauvre, au service de la race qu'il veut victorieuse en ses enfants ;
– Jacob, le fils aîné, se révoltant, dès l'adolescence, «insensible à son joug, fatigué par sa loi», contre l'Adonaï sévère et incompréhensible des ancêtres ;
– le cadet enfin, Avroum, le plus émouvant peut-être, hésitant, à la fois habité par la nostalgie d'une enfance chaudement enveloppée de rites religieux et domestiques et le désir de participer à une vie autre, plus vaste, plus dangereuse bien que soustraite à la persécution confessionnelle, plus désirable surtout d'être neuve...
Maillons essentiels de la chaîne familiale, qu'ornent encore l'intelligence fine d'Elie, le passionné Simon, et la grâce diverse des trois femmes : une mère douce et forte comme les femmes de la Bible, et les deux sœurs souples, l'une à la manière d'un animal domestique fidèle au foyer et à ses habitudes, l'autre ainsi qu'une plante grimpante et qui s'échappe...
Du jour où Jacob se rebelle, l'équilibre est rompu. Il deviendra vite, du consentement qu'arrachent à tous son génie vigoureux et la fortune qu'il dompte, le chef de la famille peu à peu dispersée au souffle de son exemple : ou plus exactement son point de mire durant l'ascension qu'il est inscrit quelque part que chacun de ses membres doit entreprendre et poursuivre, le guide toujours plus haut, prêt à lancer la corde à ceux qui restent en arrière, sans s'attarder aux soucis de jalousies et de préséances qu'on voit aux gens d'ambition médiocre... Joseph, renvoyant ses frères en Chanaan, n'a-t-il pas dit : «N'ayez point de dispute dans le chemin».
Pour monter, les obstacles sont tournés ou franchis, les vains, les nuisibles scrupules étouffés. Arrivé au faîte, plus de Jacob : Jacques Radan, chef du groupe Radan, consortium politico-financier, puissance dans l'État. Mais une campagne de presse se déclenche contre lui, il est menacé d'une révélation dont s'angoisse le petit Yannkelé, le premier-né du tailleur Mendél, qu'il n'a point cessé d'être en un coin secret de son âme : défaillant, il envoie Avroum prévenir le père. Celui-ci, d'abord accablé, vaincu dans sa chair vieillie, domine la souffrance : il aperçoit, intacte par-delà ce ravage, et triomphante, la foi qu'il eut en l'avenir vivace de ses fils. Par un effort sans nom, il se redresse, accepte et ratifie... S'est-il demandé, les yeux fermés sur sa méditation douloureuse, si le fils devait nécessairement, pour vaincre, faire la part du mal? ... L'auteur de Jacob, avec une puissance de suggestion singulière, oblige en quelque sorte cette question, qu'il ne pose pas explicitement, à se poser dans l'esprit du lecteur...
Livre plein de cette avidité multiple, que les adversaires d'Israël ont trop souvent voulu réduire à l'amour de l'argent : avide de tendresse et de puissance, avide de comprendre et de s'expliquer, avide d'orgueil et d'abnégation. Récit profond où nous voyons, en nous penchant, battre le cœur sombre et divin de l'inquiétude qui, depuis des ans, pousse et retient les Juifs sur les routes du monde...
–le père, Mendèl Radansky, - Le Père, - use une vie humble, mais jamais résignée, de petit tailleur pauvre, au service de la race qu'il veut victorieuse en ses enfants ;
– Jacob, le fils aîné, se révoltant, dès l'adolescence, «insensible à son joug, fatigué par sa loi», contre l'Adonaï sévère et incompréhensible des ancêtres ;
– le cadet enfin, Avroum, le plus émouvant peut-être, hésitant, à la fois habité par la nostalgie d'une enfance chaudement enveloppée de rites religieux et domestiques et le désir de participer à une vie autre, plus vaste, plus dangereuse bien que soustraite à la persécution confessionnelle, plus désirable surtout d'être neuve...
Maillons essentiels de la chaîne familiale, qu'ornent encore l'intelligence fine d'Elie, le passionné Simon, et la grâce diverse des trois femmes : une mère douce et forte comme les femmes de la Bible, et les deux sœurs souples, l'une à la manière d'un animal domestique fidèle au foyer et à ses habitudes, l'autre ainsi qu'une plante grimpante et qui s'échappe...
Du jour où Jacob se rebelle, l'équilibre est rompu. Il deviendra vite, du consentement qu'arrachent à tous son génie vigoureux et la fortune qu'il dompte, le chef de la famille peu à peu dispersée au souffle de son exemple : ou plus exactement son point de mire durant l'ascension qu'il est inscrit quelque part que chacun de ses membres doit entreprendre et poursuivre, le guide toujours plus haut, prêt à lancer la corde à ceux qui restent en arrière, sans s'attarder aux soucis de jalousies et de préséances qu'on voit aux gens d'ambition médiocre... Joseph, renvoyant ses frères en Chanaan, n'a-t-il pas dit : «N'ayez point de dispute dans le chemin».
Pour monter, les obstacles sont tournés ou franchis, les vains, les nuisibles scrupules étouffés. Arrivé au faîte, plus de Jacob : Jacques Radan, chef du groupe Radan, consortium politico-financier, puissance dans l'État. Mais une campagne de presse se déclenche contre lui, il est menacé d'une révélation dont s'angoisse le petit Yannkelé, le premier-né du tailleur Mendél, qu'il n'a point cessé d'être en un coin secret de son âme : défaillant, il envoie Avroum prévenir le père. Celui-ci, d'abord accablé, vaincu dans sa chair vieillie, domine la souffrance : il aperçoit, intacte par-delà ce ravage, et triomphante, la foi qu'il eut en l'avenir vivace de ses fils. Par un effort sans nom, il se redresse, accepte et ratifie... S'est-il demandé, les yeux fermés sur sa méditation douloureuse, si le fils devait nécessairement, pour vaincre, faire la part du mal? ... L'auteur de Jacob, avec une puissance de suggestion singulière, oblige en quelque sorte cette question, qu'il ne pose pas explicitement, à se poser dans l'esprit du lecteur...
Livre plein de cette avidité multiple, que les adversaires d'Israël ont trop souvent voulu réduire à l'amour de l'argent : avide de tendresse et de puissance, avide de comprendre et de s'expliquer, avide d'orgueil et d'abnégation. Récit profond où nous voyons, en nous penchant, battre le cœur sombre et divin de l'inquiétude qui, depuis des ans, pousse et retient les Juifs sur les routes du monde...