Épitaphe pour une révolution

. Journal d'un retour en Chine au crépuscule du siècle
Trad. de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Landry. Préface de Francis Deron
Collection Témoins
Gallimard
Parution
Harold Isaacs est l'auteur d'un livre qui lui collait à la peau depuis sa première publication en 1938, avec une préface de Trotski : La Tragédie de la Révolution chinoise (trad. française, Gallimard, 1967). C'était le premier témoignage documenté de l'écrasement de la révolution prolétarienne de 1925-1927, celle de Canton et de Shanghai, dont Malraux a fait le sujet des Conquérants et de La Condition humaine.
Décédé en 1986 après être devenu un éminent sinologue de Columbia, il n'a pu assister aux derniers développements de cette tragédie qu'il avait le premier comprise, ce qui n'altère en rien la valeur de ce témoignage extraordinairement vivant, cynique et innocent à la fois, pudique et passionné, dramatique et drôle en alternance, qu'il a eu à cœur de coucher sur le papier après avoir effectué en Chine, en 1980, un pèlerinage à la recherche de son propre passé.
Familier de beaucoup des personnalités qui firent la Chine populaire, Isaacs les a retrouvées dans leur désespoir solitaire, plus de trente ans après la fondation de ce régime qu'elles avaient appelé de leurs vœux – comme lui du reste, avant qu'il ne s'aperçoive que les dés, en fin de compte, étaient toujours pipés.
À la répression meurtrière des ouvriers de Shanghai, en 1927, répond tragiquement, soixante ans après, la répression meurtrière des étudiants de Pékin. À cette différence près qu'elle est déclenchée par les anciennes victimes arrivées au pouvoir et vieillies avec lui ; et qu'elle s'exerce cette fois au nom du peuple, et contre un peuple qui s'est privé de toute autre arme que celle de la dérision. Le récit de Harold Isaacs trouve ainsi dans l'actualité sa vraie dimension, que nul n'était mieux placé pour dégager dans sa préface que Francis Deron, correspondant du Monde à Pékin.
Épitaphe pour une révolution est donc loin de se limiter à une photographie, irremplaçable et pathétique, de certains des derniers rescapés du soulèvement communiste qui aura marqué le siècle. Elle ouvre une méditation d'ensemble sur l'échec de la révolution marxiste. L'image qu'elle fait entrevoir, et qui nous concerne directement, est celle des rapports qu'auront entretenus beaucoup des intellectuels occidentaux avec l'histoire du XXᵉ siècle.