Délice d'Éleuthère
Collection Blanche
Gallimard
Parution
«L'auteur a voulu faire le roman, nous allions dire le poème, de l'activité intellectuelle exercée pour l'amour d'elle-même plus que de ses fruits. Ce qui lui importe dans les pensées que forme Eleuthère, à propos du mariage de Germaine, de la naissance du petit Roland, de la mort du général de Trémazan, d'une représentation de Tristan, d'une visite à un musée de province, d'une station dans une église abandonnée, d'une lecture de brochures marxistes, des approches de sa propre fin, c'est moins ces pensées mêmes que le plaisir qu'éprouve son héros à les former, à les allumer les unes aux autres, à en interroger la valeur, à les conduire jusqu'à l'extrême de leur logique, à leur susciter des obstacles, bref à se livrer en liberté à la passion de l'esprit. Cette liberté, toutefois, ne va pas jusqu'à exclure chez Eleuthère l'adoption d'une philosophie définie, laquelle est précisément la religion de l'esprit, jointe à un certain mépris pour le monde des réalités, qui ne lui est qu'une occasion de s'exercer ; encore que ce monde, en raison du regard spécial qu'il y porte, ne laisse pas de le toucher d'une émotion spéciale, qu'il exprime par ce leitmotive : "Si ceux qui exercent la vie avaient la sensibilité du philosophe, leur vie ne serait pas possible."»
Julien Benda.
Julien Benda.