Daniel le mal parti
Gallimard
Parution
«Dès le premier jour, l'aumônier de Fresnes me prévint : "Les gosses dont je m'occupe ne sont pas des blousons noirs pour figuration dans
les films réalistes. Il ne faut pas les em... Pour deux raisons. D'abord, parce qu'ils auraient vite fait de vous casser la gueule, ensuite et surtout parce que ce sont de braves mômes auxquels il faut foutre la paix. On a assez raconté de c...ries sur eux. Il n'y a plus rien à ajouter."
C'est pourtant avant tout l'histoire de ces gosses – jeunes délinquants comme on les appelle – qui passent de maisons de redressement en prisons. De Belle-Île à Fresnes. Avec les commissariats préoccupés et les familles inquiètes. Avec la cellule familière et le gardien qui n'effraie plus. Avec les parents divisés et les copains des matins de liberté. Avec aussi le cœur gros et le muscle sous-employé.
"Avec du fric, j'irais à la mer. Là-bas, je verrais. Je trouverais bien à bricoler." Daniel a tout juste dix-huit ans. Il sort de Fresnes. Désormais, quand il y retournera – parce qu'il y retournera –, il ne sera plus enfermé dans l'aile réservée aux mineurs. Sa cellule sera dans celle où logent les J3. Ceux qui ont plus de dix-huit ans et moins de vingt et un.
"Parce que des gamins en taule, il y en a. Il en passe à Fresnes presque un millier par an." L'aumônier prend de ces colères qui frôlent le péché capital. "Est-ce que c'est leur place? Hein? L'autre jour, j'en ai vu un de quatorze ans y entrer. Il pleurait. Il m'a demandé s'il était foutu. Eh bien, si un gosse de quatorze ans est foutu, ce n'est pas lui qu'il faut boucler, mais nous. Parce que nous sommes tous responsables. Tous!"
Le centre de redressement, l'interrogatoire, le dépôt, la cellule, le mitard, la rue, le vol, la bagarre. Dix-huit ans. Daniel ne s'appelle pas Daniel, mais il vit. Le Centre a changé aujourd'hui, il n'est plus nécessairement l'antichambre de la prison. Les éducateurs s'humanisent peut-être, mais la Justice demeure la Justice. Raide. Et Fresnes reste Fresnes.
Ne vous attendez pas à lire une enquête avec conclusions, des pourcentages, des diagrammes, etc. Non. Une aventure? Pas davantage. La vie oui, taillée à coups de sifflet d'agents et d'injures, avec des mots d'hommes dans des souffles d'enfants, avec des barreaux à toutes les fenêtres. Mais c'est leur vie, la vie de Daniel et des autres. Et si vous pensez un seul instant que tout cela ne peut pas exister, que tout n'est écrit que pour choquer, allez là-bas. Lisez et allez voir.»
Michel Honorin.
C'est pourtant avant tout l'histoire de ces gosses – jeunes délinquants comme on les appelle – qui passent de maisons de redressement en prisons. De Belle-Île à Fresnes. Avec les commissariats préoccupés et les familles inquiètes. Avec la cellule familière et le gardien qui n'effraie plus. Avec les parents divisés et les copains des matins de liberté. Avec aussi le cœur gros et le muscle sous-employé.
"Avec du fric, j'irais à la mer. Là-bas, je verrais. Je trouverais bien à bricoler." Daniel a tout juste dix-huit ans. Il sort de Fresnes. Désormais, quand il y retournera – parce qu'il y retournera –, il ne sera plus enfermé dans l'aile réservée aux mineurs. Sa cellule sera dans celle où logent les J3. Ceux qui ont plus de dix-huit ans et moins de vingt et un.
"Parce que des gamins en taule, il y en a. Il en passe à Fresnes presque un millier par an." L'aumônier prend de ces colères qui frôlent le péché capital. "Est-ce que c'est leur place? Hein? L'autre jour, j'en ai vu un de quatorze ans y entrer. Il pleurait. Il m'a demandé s'il était foutu. Eh bien, si un gosse de quatorze ans est foutu, ce n'est pas lui qu'il faut boucler, mais nous. Parce que nous sommes tous responsables. Tous!"
Le centre de redressement, l'interrogatoire, le dépôt, la cellule, le mitard, la rue, le vol, la bagarre. Dix-huit ans. Daniel ne s'appelle pas Daniel, mais il vit. Le Centre a changé aujourd'hui, il n'est plus nécessairement l'antichambre de la prison. Les éducateurs s'humanisent peut-être, mais la Justice demeure la Justice. Raide. Et Fresnes reste Fresnes.
Ne vous attendez pas à lire une enquête avec conclusions, des pourcentages, des diagrammes, etc. Non. Une aventure? Pas davantage. La vie oui, taillée à coups de sifflet d'agents et d'injures, avec des mots d'hommes dans des souffles d'enfants, avec des barreaux à toutes les fenêtres. Mais c'est leur vie, la vie de Daniel et des autres. Et si vous pensez un seul instant que tout cela ne peut pas exister, que tout n'est écrit que pour choquer, allez là-bas. Lisez et allez voir.»
Michel Honorin.