Le Mythe et le livre
. Essai sur l'origine de la littérature
Collection Blanche
Gallimard
Parution
«Miguel de Unamuno a parlé de cette "tromperie d'avant la raison qu'est la poésie", et il se réjouissait que le monde voulût être trompé ; la raison, pour lui, était un triste privilège. René M. Guastalla ne serait pas fort éloigné de cette pensée ; et il pourrait – ou on pourrait au sujet de son livre – parler de cette tromperie d'après la raison qu'est la littérature.
Pour René Guastalla, poésie et littérature sont deux mondes séparés, presque ennemis : la littérature naît quand meurt la poésie. Le mythe coexiste à la cité, telle que nous connaissons celle-ci dans les hautes époques de la Grèce : cité qui est une communauté et qui ne vit que de cette communion ; en même temps, le mythe est une sorte de transcendance aux hommes, d'où ils tirent leur substance ; c'est l'acte du poète que d'exprimer le mythe et de le faire passer par les incantations du lyrisme dans la chair des hommes. René M. Guastalla apporte ainsi une nouvelle interprétation du verbe créateur ; verbe qui est d'abord un son, un rythme, une essence et dont le contenu intellectuel (ou rationnel) est d'ordre second quant à la puissance communicative.
Lorsque la cité va se dissoudre sous l'action conjuguée des circonstances extérieures et des influences intérieures (celles-ci étant les recherches rationnelles), le mythe disparaît : il perd sa vertu d'aliment collectif et se retire dans ces régions éternelles d'où il arrive que, de temps à autre, le poète vienne le tirer : ainsi à la venue du christianisme.
C'est avec l'histoire qu'apparaît la littérature : c'est-à-dire que l'homme en tant qu'individu devient l'objet des recherches. On pourrait dire, de cette façon, que : si la poésie est substance pour l'homme, l'homme est la substance de la littérature.
René M. Guastalla se livre donc à la plus vaste enquête qu'on sache sur la nature et la vie de la poésie d'une part, et, d'autre part, sur la nature et la vie de la littérature. De la Chine aux Incas, en passant par l'Orient égyptien, assyro-chaldéen, hindou, judaïque et arabe, - il rencontre la poésie ; mais à travers l'Europe entière, c'est la littérature. De quelle animation pour l'esprit est cette enquête d'historien - et non pas de critique – et quelle compréhension cette analyse objective apporte-t-elle des œuvres de l'esprit! Pour autant que le mythe est poésie, René M. Guastalla distingue entre le vrai mythe transcendant à l'homme et immanent à la cité, et le «mythe du romancier» qui à divers âges a surgi et dont les organismes totalitaires du monde contemporain apportent une illustration étonnante. Nous sommes perdus de littérature ; la poésie, telle que nous la vivons aujourd'hui n'est plus du collectif, mais elle a soi-même pour objet ; elle n'est plus communion, elle sépare ; elle n'est plus de la masse mais de l'individu, qui choisit ses thèmes selon sa fantaisie.
Ainsi, René M. Guastalla, étudiant des œuvres écrites, dans une vue cavalière et qui fouette merveilleusement l'esprit, nous découvre tout un monde où il semble bien être le premier à s'aventurer. La littérature, c'est le drame ou le tragique d'être homme ; le mythe, c'est la joie. Aussi ne manque-t-il pas de clore ce livre, d'une si grande nouveauté, par une mesure de l'hymne Zur Freude de Beethoven ; il réclame pour notre droit à cette joie, lequel fit écrire à Goethe : "Je l'aime parce qu'il désire l'impossible". Il y a des lieux encore où il n'est pas l'impossible ; et l'histoire – le devenir politique et social – réserve-t-elle encore que cet impossible surgisse et redonne à la poésie sa place première : car elle est la religion avant la religion.
Cursif, alerte, sans encombrement, le livre de René M. Guastalla déroule ses dix brefs chapitres qui ouvrent à la fois des aperçus originaux sur les livres qui sont au monde et sont la pâture des hommes, et des aperçus colorants sur les chances de demain : peut-on concilier le mythe et le livre, être soi et "répondre"?»
Jean-Germain Tricot.
Pour René Guastalla, poésie et littérature sont deux mondes séparés, presque ennemis : la littérature naît quand meurt la poésie. Le mythe coexiste à la cité, telle que nous connaissons celle-ci dans les hautes époques de la Grèce : cité qui est une communauté et qui ne vit que de cette communion ; en même temps, le mythe est une sorte de transcendance aux hommes, d'où ils tirent leur substance ; c'est l'acte du poète que d'exprimer le mythe et de le faire passer par les incantations du lyrisme dans la chair des hommes. René M. Guastalla apporte ainsi une nouvelle interprétation du verbe créateur ; verbe qui est d'abord un son, un rythme, une essence et dont le contenu intellectuel (ou rationnel) est d'ordre second quant à la puissance communicative.
Lorsque la cité va se dissoudre sous l'action conjuguée des circonstances extérieures et des influences intérieures (celles-ci étant les recherches rationnelles), le mythe disparaît : il perd sa vertu d'aliment collectif et se retire dans ces régions éternelles d'où il arrive que, de temps à autre, le poète vienne le tirer : ainsi à la venue du christianisme.
C'est avec l'histoire qu'apparaît la littérature : c'est-à-dire que l'homme en tant qu'individu devient l'objet des recherches. On pourrait dire, de cette façon, que : si la poésie est substance pour l'homme, l'homme est la substance de la littérature.
René M. Guastalla se livre donc à la plus vaste enquête qu'on sache sur la nature et la vie de la poésie d'une part, et, d'autre part, sur la nature et la vie de la littérature. De la Chine aux Incas, en passant par l'Orient égyptien, assyro-chaldéen, hindou, judaïque et arabe, - il rencontre la poésie ; mais à travers l'Europe entière, c'est la littérature. De quelle animation pour l'esprit est cette enquête d'historien - et non pas de critique – et quelle compréhension cette analyse objective apporte-t-elle des œuvres de l'esprit! Pour autant que le mythe est poésie, René M. Guastalla distingue entre le vrai mythe transcendant à l'homme et immanent à la cité, et le «mythe du romancier» qui à divers âges a surgi et dont les organismes totalitaires du monde contemporain apportent une illustration étonnante. Nous sommes perdus de littérature ; la poésie, telle que nous la vivons aujourd'hui n'est plus du collectif, mais elle a soi-même pour objet ; elle n'est plus communion, elle sépare ; elle n'est plus de la masse mais de l'individu, qui choisit ses thèmes selon sa fantaisie.
Ainsi, René M. Guastalla, étudiant des œuvres écrites, dans une vue cavalière et qui fouette merveilleusement l'esprit, nous découvre tout un monde où il semble bien être le premier à s'aventurer. La littérature, c'est le drame ou le tragique d'être homme ; le mythe, c'est la joie. Aussi ne manque-t-il pas de clore ce livre, d'une si grande nouveauté, par une mesure de l'hymne Zur Freude de Beethoven ; il réclame pour notre droit à cette joie, lequel fit écrire à Goethe : "Je l'aime parce qu'il désire l'impossible". Il y a des lieux encore où il n'est pas l'impossible ; et l'histoire – le devenir politique et social – réserve-t-elle encore que cet impossible surgisse et redonne à la poésie sa place première : car elle est la religion avant la religion.
Cursif, alerte, sans encombrement, le livre de René M. Guastalla déroule ses dix brefs chapitres qui ouvrent à la fois des aperçus originaux sur les livres qui sont au monde et sont la pâture des hommes, et des aperçus colorants sur les chances de demain : peut-on concilier le mythe et le livre, être soi et "répondre"?»
Jean-Germain Tricot.