La vie de Robert Schumann

Collection Vies des Hommes illustres (no64)
Gallimard
Parution
Il est un mot que l'année 1930 a failli tuer. Oh! avec les meilleures intentions du monde, à force de caresses, de soins, de flatteries. C'est le mot : romantisme.
Heureusement le mot et la chose sont immortels. Ils subiront encore quelques centenaires éclatants, des exégèses, des reproches ; ils se verront attribuer parfois un sens grossier sans rien perdre de leur beauté. Car n'a-t-on pas insinué que romantisme était synonyme de grandiloquence, d'impudeur? D'aucuns sont convaincus, au contraire, qu'il signifie : pureté dans la souffrance et amour du silence.
C'est pourquoi Schumann, qui a tant souffert et qui recherchait les chemins solitaires, est un romantique si grandement émouvant. Il était doux, timide, volontiers taciturne, mais il vivait par l'intérieur le plus ardent roman. Rien ne lui a manqué : le doute, l'amour malheureux, la maladie, la folie. Et le génie par surcroît. Vers vingt ans, il oscille douloureusement entre la poésie et la musique. Entre vingt-cinq et trente ans, c'est sa passion contrariée pour Clara Wieck, ce sont ces longues séparations qui le tuent, c'est la haine du vieux Wieck qui le fait se tordre de désespoir, comme si quelque main le saisissait aux cheveux et le courbait jusqu'à terre. Et enfin, c'est la lutte contre la maladie, contre la lente destruction de l'organisme, contre la folie envahissante. La vie de Schumann se résume dans le cri d'angoisse qu'il jette lorsque, vaincu par la souffrance, il saute dans le Rhin. D'homme et d'artiste plus sensible, il ne s'en pouvait rencontrer. Fort de cette conviction et persuadé qu'une biographie n'existe que par l'amour, Alfred Colling a trouvé des accents que Schumann lui-même eût aimés pour dépeindre cette destinée pathétique et musicale. Ainsi que dans les mélodies du maître court à travers ces pages un frémissement passionné qui nous fait, après leur lecture, comprendre la portée de l'exclamation que Robert proféra, alors qu'il attendait sa bien-aimée Clara : «Je voudrais chanter à en mourir, comme un rossignol.»