Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry
Il était une fois… un livre. Mais pas n’importe lequel. L’un des plus lus au monde : un conte qui a fait rêver et méditer, sourire et pleurer, des millions d’enfants et de grandes personnes. Il était une fois… Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry. Chaque livre a son histoire. Celle du Petit Prince est captivante. Enfant de l’exil, le petit personnage serait né à New York en 1942, sous la plume et les pinceaux d’un Saint-Exupéry mélancolique, souffrant d’être soustrait au terrain militaire. Paru outre-atlantique en 1943, l’ouvrage ne sortira en France qu’en avril 1946, à titre posthume.
Une aventure éditoriale
De New York à Paris
Comment se fait-il que le public américain ait eu le privilège de découvrir Le Petit Prince trois années exactement avant les lecteurs français ? Aux circonstances de la guerre, d’abord : Saint-Exupéry qui, pilote militaire, avait combattu contre l’aviation allemande durant la Drôle de guerre, avait choisi, non sans amertume et hésitation, de quitter provisoirement la France pour rejoindre les États-Unis. Il fut donc de ceux parmi les intellectuels, journalistes et artistes français à choisir l’exil. Arrivé sur le même paquebot que le cinéaste Jean Renoir, il débarque à New York fin décembre 1940, où sont déjà installés quelques amis français (Lamotte, Lazareff) ; ce n’est pas un inconnu outre-Atlantique : certaines de ses œuvres y ont déjà paru en traduction et ont même connu un réel succès. Il est en contact avec plusieurs éditeurs et, son séjour aux États-Unis se prolongeant, il y poursuit naturellement son activité d’écrivain – tout en formulant avec netteté ses choix politiques, ce qui ne manquera pas de l’impliquer dans d’injustes polémiques avec quelques-uns de ses compatriotes exilés (voir Écrits de guerre, « Folio », 1994).
C’est donc dans ce contexte de l’exil et d’un monde en guerre que s’inscrit, sinon l’intention, du moins la rédaction de ce qui deviendra l’œuvre littéraire la plus traduite au monde. La fable garde les traces de sa naissance « extra-territoriale », tant dans la dédicace à Léon Werth qui l’ouvre (l’ami demeuré en France, victime de l’oppression allemande) que par les thématiques et situations narratives qui la composent. La solitude, la mort, l’étouffement, la vanité des pouvoirs, l’obéissance aveugle aux instructions, et bien d’autres thèmes encore, en forment la trame.
Incité par ses éditeurs américains à composer un récit, illustré par lui-même, pour les enfants, Saint-Exupéry se mit au travail à New York en 1942, sollicitant comme à son habitude les avis de ses proches, à la fois sur ses dessins et sur le texte lui-même (voir les nombreux témoignages réunis dans Il était une fois… le Petit Prince, « Folio », 2006). Prévu semble-t-il pour la fin de l’année 1942, le livre ne parut qu’en avril 1943 – le 6 avril, précisément, pour l’édition en langue anglaise (reliée toile) et une quinzaine de jours plus tard pour l’édition française (reliée toile ou simplement brochée). À en croire la presse américaine de l’époque et les quelques informations communiquées à Saint-Exupéry par son éditeur après parution, le livre connut un bon accueil aux États-Unis. On sait aussi qu’il y eut plusieurs réimpressions successives, tant en langue française qu’en traduction anglaise, avant 1947.
Outre son activité d’écriture (Le Petit Prince, donc, mais aussi la vibrante Lettre à un otage, parue presque simultanément, et les innombrables feuillets qui composeront l’œuvre posthume Citadelle), Saint-Exupéry, souffrant plus que tout d’être soustrait au terrain de l’action militaire, chercha sans relâche à regagner une unité aérienne. Parvenu à ses fins, il rallia Alger en mai 1943 et réintégra son escadre de rattachement, le « II/33 ». Il y reprit, malgré son âge et non sans intermittence, une activité de pilote. Il disparut au cours d’une mission de reconnaissance le 31 juillet 1944.
Ce n’est qu’après-guerre, et donc à titre posthume, que la maison Gallimard, en contrat avec Saint-Exupéry depuis 1929, publia Le Petit Prince. Gaston Gallimard, qui souhaitait en faire un livre d’étrennes, avait dans un premier temps envisagé une publication fin 1945. De fait, le livre n’arriva sur les tables des libraires qu’en avril 1946, précédé cependant par la parution des bonnes feuilles dans le numéro 2 de Elle, en novembre 1945 (Saint-Exupéry les avait promises à son amie Hélène Gordon-Lazareff). Le Petit Prince est alors à l’aube d’une aventure éditoriale sans précédent : le chef-d’œuvre d’Antoine de Saint-Exupéry devint un des livres emblématiques de l’après-guerre et eut tôt fait de conquérir les lecteurs français de tous âges ; il a fait, depuis, le tour du monde.
Un livre phare dans le catalogue pour la jeunesse de Gallimard
Après 1945, les maisons d’édition rajeunissent, égayent la présentation de leurs livres, lancent de nouvelles collections. La sortie du Petit Prince au début de l’année 1946 inaugure cette embellie éditoriale, de courte durée, qui s’efforce de renouveler le répertoire littéraire en s’attachant, notamment, le concours de grands auteurs contemporains. […]
Pendant la guerre, après le départ de [son éditeur en charge des livres pour enfants] Jacques Schiffrin exilé aux États-Unis, la maison Gallimard n’a publié que peu d’ouvrages pour la jeunesse : principalement des Contes du Chat perché de Marcel Aymé, et des « Almanachs du gai savoir » dirigés par Colette Vivier. La publication du Petit Prince, qui paraît en même temps que les Contes du milieu du monde de Guy de Pourtalès, annonce des temps nouveaux qui feront bientôt de Gallimard l’un des principaux éditeurs français pour la jeunesse. Mais à cette date, les livres pour enfants forment encore un secteur marginal de son catalogue, inauguré au lendemain de la Première Guerre mondiale avec le magnifique album du peintre Edy-Legrand : Macao et Cosmage. D’autres ouvrages prestigieux y figurent : Les Histoires du petit Renaud, de Léopold Chauveau, illustrées par Pierre Bonnard, édité en tirage limité en 1927 ; Mon chat, d’André Beucler paru en 1930 avec d’étonnantes images de Nathalie Parain. Mais c’est seulement vers 1933 que ce catalogue a commencé à s’étoffer, sous l’impulsion de Jacques Schiffrin, avec des titres comme Châtaigne, de Tchekhov, Histoires vraies, de Tolstoï, La Vie de Jésus-Christ, de Charles Dickens, les premiers Contes du chat perché (1934), L’Âne culotte d’Henri Bosco (1937) et la série documentaire des « Albums du Gai Savoir ».
L’édition du Petit Prince se situe donc dans la continuité de ces orientations qui, depuis les origines, réservent une place importante à l’expression artistique, associée à des textes de haute qualité littéraire. Cette politique éditoriale s’inscrit, plus ou moins directement, dans le sillon du mouvement de pédagogie esthétique qui s’est engagé dans toute l’Europe du Nord au début du XXe siècle, et auquel ont adhéré un certain nombre d’éditeurs : animé par des enseignants, des collectionneurs, des écrivains et des artistes, attaché à la défense « des droits de l’enfance à la beauté », il encourageait le développement de la création artistique pour l’enfance dans tous les domaines de son environnement familial et scolaire, au nom d’un objectif pédagogique nouveau : l’éducation esthétique, considérée comme l’un des outils du développement harmonieux de l’individu et de la société.
D’après « Un livre pour enfant ? » par Annie Renonciat, dans Il était une fois… Le Petit Prince, « Folio », Gallimard, 2006
Quelques chiffres : une haute marée sans reflux
Près de 10 000 exemplaires du premier tirage du Petit Prince, disponibles dans les librairies françaises depuis avril 1946, avaient été vendus à la fin juin, les ventes enregistrées sur l’exercice suivant (de juillet 1946 à juin 1947) se limitant au solde de cette impression initiale. Faut-il conclure à un succès mitigé pour un auteur aussi prestigieux ? Il convient de noter d’une part que la première réimpression du conte, seulement brochée, est commandé à l’imprimeur le 12 novembre 1947, pour une livraison en librairie avant Noël. Cette réimpression, tirée à 11 000 exemplaires, est suivie dès février 1948 d’une seconde, cette fois à 22 000 exemplaires. Les ventes cumulées de juillet 1947 à juin 1948 dépassent les 23 000 exemplaires. Le phénomène est en route, le livre a trouvé sa place dans le cœur des jeunes lecteurs français.
Dès 1948, l’ouvrage de Saint-Exupéry devient le livre pour enfants le plus vendu du fonds NRF ; à la même époque, en librairie, il se vend un exemplaire d’un nouveau titre des Contes du chat perché de Marcel Aymé quand il s’en vend six du Petit Prince. Les réimpressions se succèdent à un rythme très soutenu : en 1958, Gallimard comptabilise déjà dix-neuf réimpressions de la version brochée, tirée entre 22 000 et 55 000 exemplaires.
Dix ans après sa sortie en librairie, le livre s’est vendu à 450 000 exemplaires : une moyenne d’environ 50 000 exemplaires vendus par an, presque doublée dans les deux décennies suivantes. Il s’est diffusé au seuil des années 1980 plus de deux millions d’exemplaires du conte dans son édition d’origine et sa version reliée plus luxueuse (cartonnage d’éditeur). Autant dire que le prétendu purgatoire qu’aurait connu à cette époque la figure de Saint-Exupéry sous l’effet d’une nouvelle critique ne se reconnaissant guère dans le moralisme de ce contemporain (à l’inverse de Sartre, Foucault ne portait guère d’attention à la littérature de Saint-Exupéry, ni plus qu’à celle d’ailleurs de Camus) ne fut qu’une vue de l’esprit.
C’est cependant après 1980 que le rythme s’accélère, sous l’effet d’une diversification des publications de Gallimard, désormais adossées à une diffusion plus large de l’image du petit prince au sein du grand public, émancipée du strict rapport au livre qui conte son histoire (en témoigne l’émission en France, en 1993, du billet de cinquante francs à l’effigie de Saint-Exupéry, sur les deux faces duquel figure le petit prince). Jusqu’en septembre 1979, mis à part les versions disponibles dans les œuvres complètes parus en Pléiade (1953) et en version reliée (1952) ou en clubs, il n’existe que deux versions commercialisées du Petit Prince en France : l’édition initiale brochée à rabats et une version luxe, reliée d’après la maquette de Paul Bonet et parue en mars 1951.
Paraît en 1979 une édition chez Gallimard Jeunesse (département de la maison mère) en « Folio junior », la première collection de poche pour les enfants. Elle connaîtra un grand succès, preuve que l’ouvrage ne touche pas que des parents nostalgiques. Dès lors, les versions se multiplièrent (« Bibliothèque Folio junior » en 1982, hors série jeunesse en 1983, livre cassette en 1988…), puis « Folio » en février 1999. Au final, c’est près de onze millions d’exemplaires de l’ouvrage qui ont paru en soixante ans, dont plus de la moitié au format poche.
D’après « 1946-2006 : quelques précisions sur l’édition française » par Alban Cerisier, dans Il était une fois… Le Petit Prince, « Folio », Gallimard, 2006
La question des dessins
En 1999, « Folio » repartait de l’édition américaine pour établir fermement le texte et ses illustrations d’Antoine de Saint-Exupéry. C’est ainsi que l’astronome put enfin voir, dans sa lunette, une étoile qui avait malencontreusement été omise dans l’édition française de 1946 ! À cette occasion, il s’avéra que les dessins américains différaient de ceux reproduits en France. La maison Gallimard ne disposant pas à l’époque des dessins originaux du conte (qui apparaissent petit à petit depuis 1984 dans les ventes publiques, au fur et à mesure que les collectionneurs s’en dessaisissent), fut obligé de faire réaliser des copies par l’intermédiaire de son photograveur pour obtenir un rendu satisfaisant. Un véritable travail de dessinateur fut effectué à cette occasion, fort bien fait et discret, mais tout de même peu fidèle aux détails et couleurs des aquarelles de l’auteur. L’impression en cinq couleurs (contre quatre dans l’originale) a pu également induire des différences dans le rendu des teintes.
Aujourd’hui, l’ensemble est rétabli tel qu’en ses premiers jours et très exactement conforme à ce que Saint-Exupéry, de son vivant, avait souhaité. Cet aspect a son importance, maintenant qu’il est bien entendu que la genèse du personnage du petit prince fut bien graphique.
D’après « 1946-2006 : quelques précisions sur l’édition française » par Alban Cerisier, dans Il était une fois… Le Petit Prince, « Folio », Gallimard, 2006
Quelques dates
Décembre 1940
Antoine de Saint-Exupéry, ébranlé par la débâcle de juin 1940, embarque à Lisbonne pour les États-Unis. Il arrive à New York le 31 décembre. C’est le début d’un exil qui durera plus de deux ans.
1942
Saint-Exupéry travaille à l’écriture du Petit Prince ; il a signé pour cette œuvre un contrat avec ses éditeurs américains, Eugene Reynal et Curtice Hitchcock.
6 avril 1943
Première édition américaine, reliée toile, du Petit Prince par l’éditeur new-yorkais Reynal et Hitchcock, en langue anglaise. Premières annonces et critiques dans la presse américaine.
Vers le 20 avril 1943
Parution chez le même éditeur de l’édition en langue française du Petit Prince, en version reliée toile et en version brochée.
4 mai 1943
Saint-Exupéry, impatient de reprendre le combat, est de retour à Alger.
31 juillet 1944
Disparition de Saint-Exupéry lors d’une mission de reconnaissance au-dessus de la Méditerranée.
Avril 1946
Première édition du Petit Prince en France, à l’enseigne de la Librairie Gallimard, en version reliée toile
(tirage : 10 000 exemplaires).
Novembre 1947
Première réimpression, en France, du Petit Prince, en version brochée (tirage : 11 000 exemplaires).
Mars 1951
Parution chez Gallimard d’une édition de luxe en cartonnage éditeur, reliée d’après la maquette de Paul Bonet.
1953
Réunion des œuvres d’Antoine de Saint-Exupéry dans la « Bibliothèque de la Pléiade ». Le volume est préfacé par Roger Caillois.
1954
Parution du Petit Prince lu par Gérard Philipe et Georges Poujouly. L’enregistrement, devenu mythique et récompensé par le Grand Prix de l’Académie du disque, propose un montage d’extraits du conte sur une durée de trente-quatre minutes (soit un tiers du texte global).
1967
Première adaptation cinématographique du Petit Prince, par un réalisateur lituanien, Arünas Zebriünas.
1974
Stanley Donen réalise une adaptation cinématographique du Petit Prince pour la Paramount.
Octobre 1977
Jacques Ardouin monte une adaptation théâtrale du Petit Prince à Paris. Elle sera jouée durant de longues années au Lucernaire.
1979
Parution d’une édition du Petit Prince en « Folio Junior », collection de poche pour enfants créée par Gallimard Jeunesse.
1980
Les ventes du Petit Prince dépassent en France les deux millions d’exemplaires.
1997
Parution du CD-Rom Le Petit Prince, adapté et mis en scène par Romain Victor-Pujebet. Le texte est lu par Sami Frey.
1999
Première publication, en France, dans une collection de poche pour adultes, « Folio ». L’établissement de cette nouvelle édition s’appuie sur la première édition américaine.
22 mars 2006
Création, au Théâtre Michel, du Petit Prince d’après Antoine de Saint-Exupéry, dans une mise en scène de Virgil Tanase.
6 avril 2006
Parution, à l’occasion du soixantième anniversaire du Petit Prince, de Il était une fois… Le Petit Prince en « Folio ». Ce recueil inédit présente des études et témoignages, des documents d’époque et des dossiers critiques autour du conte d’Antoine de Saint-Exupéry. Publication également d’une édition spéciale du Petit Prince, enrichi d’un carnet de dessins inédits intitulé Naissance d’un prince.
18 septembre 2008
Parution de l’adaptation du Petit Prince en bande dessinée par Joann Sfar dans la collection « Fétiche ».
24 octobre 2013
Parution, en fac-simile, du manuscrit original et des dessins préparatoires du Petit Prince (pour la première fois reproduits à l’identique et en intégralité), accompagnés en fin de volume de la transcription.
24 janvier-27 avril 2014
Exposition « The Little Prince : A New York Story », The Morgan Library & Museum, New York.
17 février-26 juin 2022
Exposition « À la rencontre du Petit Prince » au musée des Arts décoratifs de Paris.
Soixante ans après sa parution en France, Le Petit Prince a été tiré à plus de 11 millions d’exemplaires en France ; traduit en quelque 160 langues, on estime à environ 80 millions d’exemplaires sa diffusion mondiale.
Revue critique
Le succès populaire du Petit Prince est avéré. Qu’en est-il de sa fortune critique ? On trouvera dans le volume Il était une fois… Le Petit Prince la réunion d’un grand nombre d’articles et de textes témoignant de la réception du conte d’Antoine de Saint-Exupéry. L’enthousiasme côtoie l’agacement et les essais d’interprétations, les témoignages d’admiration. Extraits…
1943-1945. Des échos d’Amérique
L’hommage de l’auteur de Mary Poppins » (P. L. Travers)
En quelques pages claires et colorées, le message est passé. Le volume n’est pas épais, assez pourtant pour nous rappeler qu’il nous concerne tous. Nous aussi, comme le renard, nous aurons besoin d’être apprivoisés ; nous aussi, nous aurons à retrouver le désert pour y rencontrer nos princes solitaires. Nous n’avons pas besoin de pleurer les frères Grimm quand des contes de fées comme Le Petit Prince peuvent encore tomber des livres d’aviateurs et de tous ceux qui naviguent parmi les étoiles.
Pamela Lyndon Travers. « Across the sand dunes to the Prince’s Star ». Trad. Edmond Petit. New York Herald Tribune Weekly Book Review, 11 avril 1943
« Le Prince des grandes solitudes » (B. Sherman)
Le nouveau livre de Saint-Exupéry est très différent de Vol de nuit, Terre des hommes et Pilote de guerre. Et pourtant ils ont en commun cette beauté, cette transparence et ce raffinement des espaces de hautes solitudes où l’esprit de l’homme à la possibilité de méditer et de s’interroger sur le sens des choses. Le Petit Prince est une parabole pour les grandes personnes déguisées en une banale histoire pour enfants. Une fable ornée de charmants et subtils dessins illustrant les aventures du petit prince.
L’histoire, très belle en elle-même, recèle une philosophie poétique pleine de tendresse ; ce n’est pas l’une de ces fables à la morale nette et précise, mais plutôt un ensemble des réflexions sur ce qui porte vraiment à conséquence.
Beatrice Sherman. The New York Times Book review, 11 avril 1943
« Le Petit Prince est-il un livre d’enfant ? » (Th. Raynal)
Ce livre qui retient, fait sourire et émeut une grande personne est-il un livre d’enfant ? Les enfants ne sont pas ironiques, ils sont graves. Ils ne regardent pas, d’un air détaché, jouer les adultes qui pèsent si lourd sur leur vie. Ils les acceptent ou les repoussent. Mais chacun se retrouve dans ce livre, le jour où il s’aperçoit qu’il ne pourra plus dire : « Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules et c’est fatigant pour les enfants de toujours et toujours leur donner des explications. » L’auteur n’a-t-il pas éprouvé ce même sentiment puisqu’il dédie ce livre non aux enfants mais à l’enfant que son meilleur ami a été ? « Je veux bien dédier ce livre à l’enfant qu’à été autrefois cette grande personne. »
Thérèse Raynal. « Un triste classique ». La France libre. Liberté, Égalité, Fraternité, vol. VIII, n° 46, 15 août 1944
« “Pourquoi ces larmes, vraiment ?” » (A. Monnier)
Le Petit Prince, au début, m’a déçue par sa puérilité – disons plutôt déconcertée, car cette puérilité est assez extraordinaire. J’ai commencé à m’attendrir, tout de même, en lisant l’histoire de la fleur qui a quatre épines et qui dit des mensonges. Le récit des visites aux astéroïdes, peuplés chacun d’un seul habitant, m’a beaucoup plu : c’est d’une ironie tout à fait charmante. Quand le renard est arrivée, le renard qui veut être apprivoisé, j’ai été très émue ; mon émotion s’est accrue à chaque page, jusqu’à la fin où le petit prince prévient son ami l’aviateur qu’il va retourner dans son étoile et qu’il aura un peu l’air de mourir. Eh oui, à la fin je me suis trouvée pleurant à chaudes larmes.
Tout en pleurant je me disais : pourquoi ces larmes, vraiment ? Ce n’est là qu’un conte pour les enfants. Je me suis vite aperçue que derrière le petit prince se cachait Saint-Exupéry lui-même et que je pleurais sur sa mort dont je prenais conscience en même temps que de maintes figures de sa vie.
Adrienne Monnier. « Saint-Exupéry et Le Petit Prince », Fontaine, mai 1945, n° 42. Repris dans : Les Gazettes (1923-1945), Gallimard, « L’Imaginaire », 1996
1946. Lectures françaises
« Une sagesse détachée » (R. Kanters)
Cette histoire du petit prince, on le voit, c’est un apologue, un apologue pour ceux qui ont un jour aimé une fleur, une de ces fleurs qui disent des choses comme : « Le soir, vous me mettrez sous globe. Il fait très froid chez vous. C’est mal installé. Là d’où je viens… » ou encore : « Ne traîne pas comme ça, c’est agaçant. Tu as décidé de partir. Va-t’en. », et qui pleurent après…Un apologue aussi pour enseigner aux enfants des hommes que leur vraie supériorité est à leur portée s’ils savent continuer à regarder les choses avec la simplicité de leur cœur et non pas avec la vanité du vaniteux ou l’avidité du businessman. C’est un apologue révolutionnaire…[…]
Le grand art du livre est d’avoir créé ce petit prince avec un tel soin et une telle tendresse qu’il devient pour ses jeunes lecteurs, et pour ceux qui ont la chance de n’avoir pas encore rejoint tout à fait le troupeau aveugle des grandes personnes, un de ces êtres proches et familiers, dont la sagesse à la fois profonde et fragile appelle en même temps notre audience et notre protection. Saint-Exupéry, retourné au ciel, comme son petit prince, nous parle ici avec une sagesse détachée qui n’enlève rien à son amour pour la « terre des hommes », et qui finalement ne prétend rien nous apprendre, si ce n’est à regarder et à voir une fleur…
Robert Kanters. « Du côté des poètes. Antoine de Saint-Exupéry. Le Petit Prince (Gallimard) ». La Gazette des lettres, 27 avril 1946
« La miraculeuse moisson des vraies richesses » (Th. Maulnier)
C’est ainsi que dans le texte simple et limpide, et pourtant lourd de sens, riche de merveilleuses résonances, d’un petit livre pour les enfants, Antoine de Saint-Exupéry a réussi à enfermer tous les préceptes essentiels de sa haute et sereine morale, une des plus nobles qu’un homme de ce temps ait proposée aux autres hommes : dédain des agitations futiles et des parades, grandeur du don, qui engage celui qui donne à l’égard de celui qui reçoit ; grandeur du service accepté et du sacrifice par lequel l’homme s’échange contre son œuvre ; grandeur de l’action non pas inutile, mais utile ; grandeur de la responsabilité ; grandeur de l’amitié discrète et hautaine qui suffit à faire germer dans un monde absurde et désertique la miraculeuse moisson des vraies richesses, celles qu’on ne voit pas. Il faut souhaiter que beaucoup de grandes personnes lisent le livre que Saint-Exupéry a écrit pour les enfants.
Thierry Maulnier. « Le Petit Prince ». Confluences, 2 mai 1946
« Le dernier romantique de la tendresse et de l’amitié » (P. Boutang)
Ressaisir l’enfance n’est pas se placer dans un autre monde que nos souvenirs nous donneraient ; nos souvenirs sont d’avance diminués pour nous, nous les voyons de notre haute taille, rapetissés comme la terrasse où nous avons joué enfants et que nous retrouvons quinze ans après. Il n’y a qu’un moyen alors, c’est d’essayer de vivre l’authenticité de notre monde d’adultes, en lui enlevant, peut-être par l’intercession de l’enfant à qui l’on s’adresse, tout ce qui vient du faux sérieux et du plus absurde des préjugés : le préjugé d’être un adulte.
C’est là ce qu’a réussi Saint-Exupéry. Tous les gens sérieux qui répondent devant le deuxième dessin du livre (celui qui représente le boa en train de digérer un éléphant), « c’est un chapeau », ne sont peut-être pas perdus. Ils peuvent se corriger. On peut leur accorder un sursis et ne leur parler ni bridge, ni golf, ni politique, ni cravates, mais encore de serpent boa, de forêts vierges et d’étoiles. Mais s’ils peuvent avancer dans le livre sans avoir doucement envie de pleurer, s’ils se mettent à l’abri de son humour infiniment tendre, il n’y a plus rien à espérer d’eux : ils ont perdu cette part éternelle d’eux-mêmes qui s’appelle l’enfance.
Pierre Aubray [Pierre Boutang]. « À propos du Petit Prince ». Paroles nouvelles françaises, 14 mai 1946
« Sa technique s’inspire du dessin animé » (C. Vivier)
Histoire terrible et pure qui remonte, plus loin qu’on n’a jamais été, peut-être, vers les sources de l’enfance. Sa technique s’inspire du dessin animé beaucoup plus que du conte de fées ; pour la première fois, cet art gratuit, dont le plaisir est l’unique fin, sert de moyen pour exprimer des vues profondes. Sur le grand désert de la page blanche, hommes, animaux, plantes viennent l’un après l’autre se poser ; leur rôle joué, ils disparaissent laissant la page à nouveau blanche. Dans ce domaine clos, et qui flotte entre ciel et terre, l’enfant n’accueille que ce qu’il veut bien accueillir ; tout alentour, c’est le vide, un vide sans clair-obscur et sans arrière-plan, où tout le réel est refusé pour laisser la place au rêve. Mais les rares élus : un mouton, un serpent, une rose, avec quelle violence sont-ils aimés, et quel don impérieux de tout soi-même : « C’est mon mouton, c’est mon serpent, c’est ma rose. » Les dessins, faits par l’auteur, contribuent à renforcer, par leur nudité voulue, l’impression de solitude qui rayonne du livre, livre étonnant, presque effrayant, dont les enfants subiront le charme, sans le comprendre, sans probablement soupçonner qu’un homme s’est aventuré au-délà des barrières, au cœur de leur monde interdit.
Colette Vivier. « Trois livres sur le pays des rêves ». Les Étoiles, 2 juillet 1946
« Une morale de la responsabilité » (Th. Maulnier)
Ce qui me paraît le plus surprenant, c’est qu’un petit livre où l’on pourrait voir au premier abord un divertissement sans conséquence soit si lourd au contraire de conséquences, qu’il s’offre à nous avec une solennité testamentaire comme le résumé d’une œuvre et d’une vie, qu’on puisse y lire enfin, plus complètement et plus clairement peut-être que dans Vol de nuit ou Terre des hommes la leçon de Saint-Exupéry, la morale de Saint-Exupéry. […]
Ce qui importe donc essentiellement pour l’homme, c’est de choisir, pour son propre compte, le pôle autour duquel se mettra aussitôt à graviter le monde, le pôle vers lequel l’action et l’amour solidaire, soutenus, enrichis l’un par l’autre, se trouveront ensemble orientés. Ainsi doit être compris l’apologue dans lequel le petit prince, qui aperçoit sur la terre, dans un jardin, des milliers de roses toutes aussi belles que la rose unique qu’il cultivait dans sa planète, et qu’il croyait la seule au monde, commence par se désespérer, puis comprend que sa rose est bien la seule, en dépit de tout, puisque c’est celle qu’il a choisie, celle qu’il a nourrie et désaltérée, celle envers laquelle il a pris son engagement d’homme : « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. » L’importance de l’action et celle de l’amour sont créées par l’action même, elles résultent de l’engagement humain. La rose unique pour chacun de nous, c’est celle dont chacun de nous est responsable. Ainsi naît une morale de la responsabilité dans un univers en apparence indifférent et insaisissable. Le monde attend de l’homme son sens : c’est à l’homme de le lui donner.
Thierry Maulnier. « La Morale de Saint-Exupéry » [origine inconnue]
1955-1992. Prolongements critiques
« Un livre pour enfants profondément rattaché à l’œuvre littéraire de son auteur » (R. Caillois)
[Saint-Exupéry] écrit des traités de morale. Sous des revêtements divers, il n’écrit que cela : Vol de Nuit en est un, à l’égal de Citadelle ; Le Petit Prince à l’égal de Terre des hommes, sans compter la Lettre à un otage ; et ces Carnets où pourtant il n’est guère de sujet qui ne soit abordé : le moraliste perce jusque dans les fragments les plus étrangers à la morale. […] Malgré l’apparence, il y a moins d’affabulation dans Le Petit Prince et dans Citadelle, où elle est limitée à l’évocation d’un décor favorable, qu’il ne s’en trouve dans Courrier Sud et dans Vol de Nuit, où le milieu et les personnages, décrits pour eux-mêmes, tiennent une plus large place. […] La transposition de la réalité y est faible. Mais elle est presque nulle dans Le Petit Prince et dans Citadelle qui résument et définissent, avec une nudité accrue, une expérience morale.
Roger Caillois. Préface à la première édition des Œuvres complètes de Saint-Exupéry dans la « Pléiade », 1953
« Quand le jeu devient une leçon » (M. Arland)
Il me faut avouer que je résiste [aux] charmes [du Petit Prince]. Non que je méconnaisse la fantaisie de l’auteur ; elle ne manque ni de grâce ni d’invention. Mais il en répète et accuse les traits ; il l’exploite. C’est qu’ici encore il veut trop dire, trop enseigner, et que rien n’est plus dangereux en de tels contes que l’intention trop manifeste ou le symbole trop suivi. Rien, sinon la « poésie » trop complaisante. […]
« L’essentiel, disait le renard, est invisible pour les yeux. » C’est une leçon que l’auteur du Petit Prince n’a pas impunément négligée. Reste que Saint-Exupéry lui-même la connaissait bien, et qu’il en nourrissait le meilleur de sa vie.
Marcel Arland. « Saint-Exupéry et Le Petit Prince » [articles parus dans La NRF en mai et juin 1954]. La Grâce d’écrire, Gallimard, 1955
« Un gamin insupportable » (J.-L. Bory)
L’œuvre d’un écrivain, c’est aussi l’utilisation qu’on en fait. […] L’ennui, avec Saint-Ex, est que, céleste au triple titre de saint, d’archange et d’aviateur, il participe de tous les ciels – catholique, laïque, marxiste. Il s’offre, avec une malléabilité qui laisse rêveur, à toutes les propagandes – celle du camp de jeunesse à la Vichy comme celle du commando maquisard. Il prêche dans toutes les bibliothèques, à Moscou comme à Versailles. Il faut avouer que c’est bien commode. […]
Viendra une époque, j’en suis sûr – étant donné le monde qu’on nous mitonne à coups de chiffres et de logique, n’est-ce pas mon Petit prince ? un monde glacial, abruti, écœuré (au sens étymologique : « dont on a arraché le cœur »), où il faudra, faisant flèche de tout bois, réclamer le Petit prince au balcon sur l’air des lampions. Il faudra plaider pour Saint-Exupéry malgré Saint-Ex. L’Archange disparu en plein ciel (quel mort merveilleuse déjà mythique), le saint Antoine des patrouilles perdues, nous l’accepterons alors comme un frère de combat […] Ce que j’écrirai alors pour Saint-Exupéry (sait-on jamais ?) ne sera nullement en contradiction avec ce que j’écris aujourd’hui contre lui.
Mais pas encore.
Jean-Louis Bory. « Peut-on sauver Saint-Exupéry de Saint-Ex ». Extrait de Saint-Exupéry en procès, Belfond, 1967
« Un phénomène de sociologie et de psychologie qui n’a rien de scandaleux » (F. Nourissier)
La place occupée aujourd’hui, dans le domaine de la lecture, par Saint-Exupéry, constitue un petit phénomène de sociologie et de psychologie qui n’a rien de scandaleux. Au contraire. Nous qui possédons de fameux gosiers, et le sens du raffinement, et le goût des poisons, nous trouvons la liqueur un peu douce. Buvons donc ce que nous aimons. Mais ne partons pas en guerre pour imposer nos alcools à la terre entière.
François Nourissier. « Une image du courage. Une leçon de morale ». Extrait de Saint-Exupéry en procès, Belfond, 1967
« Le Petit Prince, une parabole religieuse ? » (E. Drewermann)
L’« enfant-Dieu » de la religion incarne une vie qui a vaincu la mort, tandis que le petit prince renvoie à une enfance qui n’a pas pu accéder à la vie ; ce qu’il nous présente, ce n’est pas le resurgissement, mais bien l’étouffement d’une disposition du cœur de l’homme, de la vocation à laquelle il aurait pu répondre si une gelée précoce n’était venue en anéantir les premiers bourgeons printaniers. […]
Si tant de gens trouvent plaisir à lire Le Petit Prince, c’est bien parce que, sous son langage imagé, sa conclusion semble rejoindre la foi habituelle de la religion en l’immortalité de la personne humaine. Apparence cependant trompeuse ! Le ciel étoilé de Saint-Exupéry n’a que métaphoriquement affaire avec le ciel des croyants ; l’itinéraire du Petit Prince ne promet pas l’immortalité, mais seulement la chance de ne pas perdre des yeux le rêve d’une humanité originelle et, au milieu du désert humain, de ne jamais trahir les valeurs, en dépit de tous les échecs, en dépit de sa finitude.
Eugen Drewermann. L’Essentiel est invisible – une lecture psychanalytique du Petit Prince. Le Cerf, 1992
Du haut de Babel : les traductions du Petit Prince
En combien de langues Le Petit Prince a-t-il été traduit depuis 1943 ? En 2018, on compte 353 traductions officielles. Cette liste, classée par année de parution, a été établie d’après la bibliothèque d’ouvrages justificatifs étrangers des Éditions Gallimard, des quelques bibliographies imprimées et de sites de collectionneurs.
- 1943 : Anglais (États-Unis), Français
- 1944 : Anglais (Angleterre)
- 1947 : Polonais
- 1949 : Allemand (Suisse), Italien
- 1950 : Danois
- 1951 : Espagnol (Argentine), Finnois, Néerlandais
- 1952 : Portugais (Brésil), Hébreu, Suédois
- 1953 : Japonais
- 1956 : Afrikaans, Allemand (Allemagne)
- 1957 : Georgien, Grec moderne, Grec ancien, Hongrois
- 1958 : Tamasheq
- 1959 : Catalan (Espagne), Lithuanien, Slovaque, Tchèque
- 1960 : Amharique (Éthiopie), Estonien, Macédonien
- 1961 : Islandais, Latin
- 1962 : Norvégien, Portugais, Roumain
- 1963 : Arabe (Liban), Espagnol (Mexique)
- 1964 : Espagnol, Scipétaire (Yougoslavie), Slovène
- 1965 : Serbe, Serbo-croate
- 1966 : Arménien, Cingalais, Letton, Vietnamien
- 1967 : Kazakh
- 1968 : Azéri, Espagnol (Colombie, Cuba)
- 1969 : Biélorusse
- 1970 : Bengali
- 1972 : Basque (Espagne), Carinthien (Allemagne), Coréen, Galicien (Espagne), Oriya (Inde)
- 1974 : Breton, Chinois, Moldave
- 1975 : Gallois, Romanche Sursilvan
- 1976 : Turc, Turkmène, Ukrainien
- 1977 : Romanche Surmiran (Suisse)
- 1978 : Bulgare, Tatar
- 1979 : Indonésien, Romanche Vallader (Suisse)
- 1980 : Féroïen
- 1981 : Kannada (Inde), Tamoul (Inde)
- 1982 : Malayalam (Inde), Maltais, Papiamento
- 1983 : Asturien (Espagne), Dâri (Iran)
- 1984 : Abkhaz, Esperanto, Punjabi (Inde)
- 1985 : Créole (Seychelles), Mongol
- 1986 : Malais
- 1987 : Arabe (Syrien)
- 1988 : Marathi (Inde)
- 1989 : Bamanari (Mali), Quechua espagnol (Equateur)
- 1990 : Corse, Telugu (Inde), Thaï, Ourdou
- 1991 : Tagalog (Philippines)
- 1992 : Frioulan
- 1993 : Aragonais (Espagne), Ladin [version badiota], Ladin [version gherdëina], Persan ou Farsi (Iran)
- 1994 : Arabe (Tunisie), Frison (Pays Bas), Languedocien, Luxembourgeois, Tsigane
- 1995 : Alsacien*, Alur, Bosniaque, Gascon, Hindi (Inde), Konkani (Inde), Kurde, Provençal (France), Tibétain
- 1996 : Birman, Limbourgeois Nord (Pays Bas), Limbourgeois Sud (Pays Bas)
- 1997 : Gaëlique, Interlingua (Pays Bas), Malgache, Milanais (Italie), Sarde (Italie), Tajik
- 1998 : Burgenlandais-croate, Franconien, Hessois, Népalais, Palatin, Picard (France)
- 1999 : Bavarois (Allemagne), Créole (Réunion), Estremadurien, Kôlsch (Allemagne), Souabe (Allemagne), Tyrolien (Allemagne)
- 2000 : Albanais, Badois (Allemagne), Bergamasque (Italie), Franco-provençal, Hakka, Lapon Inari (Finlande), Lapon Nord (Finlande), Lapon Skolt (Finlande), Napolitain (Italie), Piémontais (Italie), Plattdüütch (Allemagne), Provençal-valdotain (Italie), Yiddish
- 2001 : Kirghiz, Occitan du Piémont, Saarländisch (Allemagne)
- 2002 : Berlinois (Allemagne), Carinthien (Allemagne), Francique, Haut-autrichien, Khmer, Niçart, Plautdietsch (Allemagne), Quechua (Pérou), Sud-Tyrolien (Italie), Weanerisch (Allemagne)
- 2003 : Bolognais (Italie), Laotien, Vénitien (Italie)
- 2004 : Kabyle
- 2005 : Amazigh, Aranais, Rhéto-romanche (Suisse), Toba (Argentine)