À la rencontre d'Émile Zola

En mars 2025, l’œuvre emblématique d'Émile Zola, Les Trois Villes rejoint la Bibliothèque de la Pléiade.
Septembre 1891, Zola est en voyage dans les Pyrénées. Depuis quelque temps déjà, il s’avoue las de la série des Rougon-Macquart – il ne lui reste plus que deux volumes à écrire (La Débâcle [1892] et Le Docteur Pascal [1893]). Cherchant à échapper au système du naturalisme qu’il a inventé, mais qui le bride, il rêve d’une « peinture de la vérité plus large et plus complexe », et qui soit ancrée dans la réalité contemporaine, à la différence des Rougon-Macquart qui le cantonnent dans l’époque révolue du Second Empire.
Zola fait alors une halte à Lourdes, et c'est un choc, duquel va naître le renouvellement d’inspiration qu’il attendait. Aussitôt, il rédige le plan d’un roman sur le pèlerinage et la cité des miracles. Le spectacle de cette foule, dans laquelle se joignent le besoin de surnaturel, la misère physique et sociale, continue de le hanter, alors qu’il pose la dernière pierre des Rougon-Macquart.
En septembre 1892, Zola a l’idée des Trois Villes, trilogie romanesque composée de Lourdes, Rome et Paris, dont le héros est un prêtre, Pierre Froment, en quête d’une religion nouvelle. Son trajet le conduira de l’espoir d’un christianisme régénéré, rendu à la foi naïve des origines, à l’acceptation d’une autre religion, celle de la science. Mais bien loin de se cantonner à l’illustration d’une thèse, Zola n’avait jamais montré une ambition littéraire aussi gigantesque que dans Les Trois Villes. À la peinture d’une cour des miracles modernes (Lourdes, 1894, qui sera mise à l’index), succèdent les intrigues vaticanes entrelacées à l’histoire d’une passion sublime et dévorante (Rome, 1896), puis les scandales politiques, les attentats anarchistes, le luxe, la finance, la haute et basse prostitution, l’art, le monde savant, la « cohue » parlementaire (Paris, 1898).
Au cœur des Trois Villes, on retrouve bien sûr l’observation attentive des réalités sociales et l’intervention dans le combat idéologique chers à l’écrivain. Mais la trilogie témoigne d’une veine tout à fait nouvelle chez Zola : c’est le triomphe d’une imagination débridée, mêlant le réel et le symbole, et affranchie de la contrainte naturaliste.
En accompagnement du texte des Trois Villes, la présente édition donne à lire des transcriptions des manuscrits préparatoires, dont plusieurs sont inédites, ainsi que les Journaux que Zola tint lors de ses voyages à Lourdes et à Rome, et qui sont des chefs-d’œuvre de reportage.