Trad. du russe et préfacé par Sylvie Luneau
«Où n'ai-je pas eu l'occasion d'aller? Dans les forêts, dons les montagnes, dans les marais, dans les mines, dans la soupente du paysan, dans les cellules étroites, dans les ermitages, dans les palais, on ne saurait en faire l'énumération. Et où que j'aie été, quoi que j'aie lu et entendu, je me souviens de tout avec netteté. Il m'est venu l'idée d'écrire... et j'ai commencé à écrire "de mémoire, comme à livre ouvert"... Voilà tout.»
Melnikov nous apprend ainsi comment est né cet ouvrage, qui paraît pour la première fois en français, et qui est l'un des monuments de la littérature russe. Plus qu'un roman, c'est un poème, au sens où Gogol employait ce terme pour ses Âmes Mortes, – mais un poème de l'abondance, un hymne à l'amour, à la nature, à la joie de vivre.
Melnikov décrit les mœurs des vieux-croyants riverains de la Volga au milieu du XIXe siècle. Il est allé lui-même aux sources : ses personnages sont peints d'après nature. L'abbesse Manefa et sa fille Flenouchka ont existé, et Patap Maximytch a pour prototype un millionnaire de Nijni-Novgorod, protecteur du raskol, schisme qui éclata au XVIIe siècle, et qui creusa un fossé entre les classes dirigeantes et le peuple russe.
L'action se déroule en une année liturgique, de Noël à la Pentecôte, et l'auteur y décrit, au long des saisons, les travaux et les jeux des paysans, où les usages chrétiens et païens sont curieusement mêlés, – et où s'enchevêtrent de multiples destins : privilégiés du raskol, paysans richissimes qui tiennent entre leurs mains toute la navigation de la Volga, abbés directeurs d'ermitages, maîtres de maison diligents, mais aussi ascètes, jeûneurs, et tout le peuple des errants vagabonds, des pèlerins,
n'ayant pas de ville dans le présent, cherchant celle des Temps à venir.