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Georges Lambrichs : un parcours éditorial d’exception

Arnaud Villanova retrace, dans Le Chemin continue, un parcours éditorial d’exception : celui de Georges Lambrichs, l'éditeur de Samuel Beckett et J.M.G. Le Clézio, qui fut d'abord aux Éditions de Minuit puis chez Gallimard, l’un des grands animateurs de la vie littéraire de la seconde partie du vingtième siècle. En librairie le 16 février 2023.

Georges Lambrichs : un parcours éditorial d’exception

Le Chemin continue. Biographie de Georges Lambrichs

Par Arnaud Villanova
Préface de Jacques Réda

« Je ne sais plus où Borges a noté que lire est un acte "plus courtois, plus intellectuel et plus civilisé" qu’écrire, et cette courtoisie a été un des traits les plus constants de Georges Lambrichs. »
Jacques Réda

Éditeur de Samuel Beckett et de J.M.G. Le Clézio, Georges Lambrichs fut l’un des grands animateurs de la vie littéraire de la seconde partie du XXe siècle. Né en Belgique en 1917, entré en contact avec La NRF dès les années 1930, il devient en 1942 le correspondant à Bruxelles de la revue littéraire clandestine Messages. Proche de Vercors, il officie comme lecteur aux Éditions de Minuit à la Libération, avant d’en prendre la direction littéraire. Auprès de Jérôme Lindon, il édite Samuel Beckett, Georges Bataille, Maurice Blanchot, Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute et Michel Butor. C’est le temps du « nouveau roman », mais c’est aussi celui d’un lien très fort entre la NRF et Minuit, soutenu par l’amitié avec Jean Paulhan.
Entré aux Éditions Gallimard en 1959, Georges Lambrichs y orchestre l’émergence d’une nouvelle génération d’écrivains et de critiques. Pleinement dévoué à la littérature de création, il accueille dans la collection « Le Chemin » et sa revue attenante, Les Cahiers du Chemin, Georges Perros, Jean Starobinski, Michel Chaillou, Jacques Réda, Henri Meschonnic, Pierre Guyotat, Gérard Macé, Jean-Marie Laclavetine et, dès 1962, J.M.G. Le Clézio. 
Le Chemin continue retrace un parcours éditorial d’exception.

L'équipe du « Chemin », milieu des années 1960, au café l'Espérance. Coll. part.

« Autour de l’éditeur hors du commun s’organisent régulièrement des réunions informelles où les propos, forcément de tables et forcément littéraires, se mêlent à la qualité de silence de Georges. Alors qu’on peut égrener une litanie de noms laissant rêveur quiconque est un lecteur assidu, Lambrichs, lui, "ne dit pratiquement jamais rien ; son plaisir est d’écouter. Il savoure les discussions, les engueulades, il tire sur sa pipe. De temps en temps, il fait une petite intervention, brève mais d’une certaine pertinence, assez marrante. Il adore s’amuser." (Louise Lambrichs) Parce qu’il lit et ne cesse de lire, il sait aussi l’importance de l’écoute et des relations, qu’aucune technique éditoriale ne saurait assurer. "Marchant dans la rue, il s’arrêtait pour saluer des gens aussi disparates, aussi  hostiles les uns avec les autres, mais qu’il réconciliait dans la recherche des odeurs, des brisées." (J.M.G. Le Clézio) Au fond, ce qui l’intéresse est de mettre ensemble des gens très disparates, qui discutent de littérature, qui s’engueulent beaucoup, qui ne sont pas du tout d’accord, et on se doute qu’au milieu de ce petit monde, les théories sur la littérature ne font pas l’unanimité. » Arnaud Villanova

En savoir plus

Arnaud Villanova a vingt-huit ans et vit à Bordeaux.
Le Chemin continue est son premier livre.

« Je n’ai pas "découvert" Beckett »

« Un éditeur, je l’ai déjà dit, ne "fait" pas un auteur : il sait simplement accueillir ceux qui se présentent et lire ce qu’on lui propose. [...]
Je n’ai pas "découvert" Beckett. Aucun éditeur ne "découvre" qui que ce soit. Découvrir, c’est chercher de façon volontaire dans une certaine direction une loi, un procédé, une idée ou un pays dont on pressent l’existence. On ne pressent pas Beckett. On ne décrète pas l’apparition de Le Clézio. Un beau jour, leur manuscrit arrive sur votre bureau. Vous y êtes sensible. C’est là votre métier, votre seul mérite. Le découvreur professionnel — s’il existe — risque fort d’appliquer à tel ou tel des idées préconçues et gâcher irrémédiablement le talent de ceux qu’il prétend découvrir.
Pour Beckett, les choses se passèrent de façon simple. Je ne le connaissais absolument pas. Personne, à vrai dire, ne le connaissait. Il vivait dans une terrible solitude. Plusieurs éditeurs l’avaient refusé, comme on refuse Durand ou Dupont, sans même y prendre garde. Sa femme, je ne sais pas comment, avait entendu parler de moi. Elle m’a donc apporté Molloy. J’ai trouvé le livre magnifique. Cela ne ressemblait à rien. Lui-même, Beckett, me remplissait d’étonnement. Il se posait là, sérieux, l’œil bleu immobile, impressionnant. Et il se taisait. Et je me taisais. Et nous nous comprenions. »

Georges Lambrichs, entretien avec Jean-Maurice de Montrémy, La NRF, no 473, juin 1992, cité par Arnaud Villanova dans Le Chemin continue, Gallimard, 2023

Ils ont parus dans Le Chemin...

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