Il suffit de parcourir la table des chapitres de ce tome Il pour que se confirme la justesse d'un rapprochement, déjà suggéré par le tome l, avec le titre d'un Iivre d'Émile Girardin : Au Hasard. Fragments sans suite d'une histoire sans fin. Mais ce cheminement au petit bonheur du souvenir, cette chronologie approximative, sinon dans le récit des faits, du moins dans la distribution des chapitres, c'est une grande part du charme des Mémoires, où Dumas continue d'associer la grande histoire et la petite. Et celle-ci n'est d'ailleurs pas si petite, si c'est celle de Dumas lui-même, à qui sa pauvreté impose d'être troisième cIerc à Villers-Cotterets, tôt chassé de l'étude par un notaire soucieux de ponctualité ; tentant la fortune littéraire à Paris ; y faisant jouer, à l'Ambigu, sa première pièce, La Chasse et l'Amour ; très subalterne employé aux écritures – et fort moqué des collègues – dans les bureaux du duc d'Orléans – qui n'est pas encore Louis-Philippe ; toujours bon fils, «installant» sa mère près de lui ; jeune père (il gagne alors 4 fr. 25 par jour) d'un fils qui écrira trente-quatre ans plus tard Le Fils naturel.
Théâtre, politique, poésie, journalisme ont leur place en ces pages, avec l'assassinat du duc de Berry, le carbonarisme, la conspiration de Riego, l'affaire de l'empoisonneur Castaing, le tsar Alexandre, les acteurs anglais à Paris, la «loi de justice et d'amour», Lord Byron, Nodier, les canulars énormes de Rousseau et Romieu ; et Scribe, Benjamin Constant, Luce de Lancival, Baour-Lormian, Lebrun-Pindare, Talma, Melle George, la «touchante» Desbordes-Valmore, et Mélanie Waldor, et l'excentrique Villenave... Tableaux et portraits pleins de couleur où s'épanouissent les dons de conteur du plus vivant personnage qu'ait imaginé Dumas – et c'est Dumas lui-même...