C'est par une comparaison tirée de l'aviation que l'on peut définir la méthode dont Jules Roy s'est servi pour écrire Passion de Saint-Exupéry. Comme un avion volant très haut décrit des courbes au-dessus de son objectif, se rapproche, s'éloigne, descend, remonte, cherchant l'éclairage et les ombres portées, avant de photographier le point qui l'intéresse, Jules Roy, par cercles concentriques, mais à des altitudes différentes, tente de cerner son sujet, qui est l'âme de Saint-Exupéry.
Ces angles de vue successifs sont pour nous révélateurs, car ils nous permettent d'apercevoir tantôt une nuance, tantôt une autre, du caractère, du moi profond de Saint-Exupéry. Tantôt le comparant à Richard Hillary, tantôt le dessinant en quelques traits incisifs par des souvenirs de vie commune à Laghouat, en
1943 , tantôt citant une page essentielle de son œuvre, Jules Roy parvient à dénuder, avec un respect infini et une dévotion véritable, certains reliefs du cœur et du caractère de Saint-Exupéry : son rayonnement mystérieux, son acceptation de la pauvreté, sa volonté
passionnée de se refuser à n'être qu'un témoin, sa décision de ne pas limiter le combat au domaine spirituel, son héroïsme en un mot ; ce goût profond qu'il avait de la fraternité d'armes, ce mépris de la vie facile, cette foi enfin, qui font de lui le vrai «héros de notre temps» et de notre pays.
Seul un aviateur et un grand écrivain comme Jules Roy pouvait comprendre et ressusciter comme il l'a fait cet autre aviateur, cet autre grand écrivain.