Du 9 septembre 1944 au 15 mars 1945, Jules Roy, capitaine et chef d'équipage au camp d'Elvington, dans le Yorkshire, où étaient stationnés les groupes français «Guyenne» et «Tunisie» qui combattaient dans le bombardement lourd de la «Royal Air Force», a tenu son journal de guerre. C'est ce document que nous publions ici. On y suivra, presque heure par heure, la guerre industrielle telle qu'elle l'était devenue dans les airs, avec ses alertes épuisantes, ses ordres et ses contre-ordres, ses raids dévastateurs et ses massacres.
Il y a, dans ces notes griffonnées dans la tourelle vitrée du bombardier ou développées au repos, quelque chose de terrible et de poignant, qui est proprement la confrontation de l'homme qui revient des enfers avec lui-même.
Avec la lucidité d'un condamné qui guette le pas des exécuteurs, l'auteur analyse la peur profonde et souvent inexprimée qui ne quitte presque jamais les hommes les plus courageux quand ils se savent en danger de mort. Persuadé comme il l'était qu'il n'en reviendrait pas, Jules Roy, qui n'a écrit La vallée heureuse que par pudeur, avait voulu laisser un témoignage posthume sur la guerre.
Mais ce qui met ce document à sa vraie place au-dessus du temps et lui donne le ton d'une humanité profonde, c'est l'amitié avec G... et les petits coups frappés à la cloison qui sépare leurs chambres, comme sur les murs d'une prison, pour rassurer un camarade.