Dans une petite ville de Vénétie, à l'ombre de trois tantes vieilles filles et d'un oncle excentrique, Marcello Lazzarotto mène une vie morne où un mysticisme quelque peu désordonné se mêle aux scrupules et aux terreurs nés des tabous sexuels que lui ont inculqués son éducation et un milieu étroitement religieux. Marcello a plus de trente ans et il est marié, mais tout son comportement n'en est pas moins celui d'un adolescent attardé pour qui, malgré la sanction d'un mariage chrétien, cette œuvre de chair que le tempérament de sa jeune épouse et le sien propre, très «viril», l'incitent à accomplir trop souvent à son gré, demeure le «péché» – un péché dont chaque fois il éprouve le besoin de se confesser avec un zèle qui finit par lasser le confesseur le plus exigeant.
Un jour, le hasard d'une promenade lui ayant fait rencontrer une jeune femme aussi séduisante que libre de mœurs, voici que s'allume en Marcello, exclusive, dévorante, une passion qui, tout en restant violemment charnelle, va prendre d'abord l'aspect d'un «amour fou», pour se muer ensuite en un délire
mystique où la femme aimée finit par apparaître à son amant comme une incarnation de la Divinité. L'existence tout entière de Marcello en est, bien entendu, bouleversée, et elle s'achemine vers une catastrophe à la fois grotesque et tragique...
Dans ce roman, Goffredo Parise reprend avec bonheur, en le développant et en l'exposant à un nouvel éclairage, plus cru et plus impitoyable, l'un des thèmes qui couraient en filigrane dans Odeur de sainteté et dans Les Fiançailles : celui de ce catholicisme typiquement provincial qui est en fait de la bigoterie, bien plus qu'un authentique sentiment religieux. Avec l'humour très sûr qui est l'une des caractéristiques de son talent, il campe et fait vivre, autour de son héros lamentable et pathétique, une galerie de personnages dont la cocasserie n'exclut nullement la grande vérité. Avec ce nouveau livre, Goffredo Parise s'affirme comme l'un des meilleurs romanciers italiens d'aujourd'hui.