Pour le troisième soir consécutif, un homme se retrouve seul chez lui, «gardé à vue» du dehors par deux tueurs à l'air absent, aux gestes rares et routiniers.
Fuir n'aurait pas de sens. Avertir la police est, pour une raison précise, hors de question. Resle l'attente : se retireront-ils d'eux-mêmes, comme hier, comme avant-hier, après trois heures de guet, ou se décideront-ils soudain à brusquer les choses, à en finir sur le champ, par n'importe quel moyen? D'une minute à l'autre, ils peuvent traverser l'avenue, monter l'escalier, s'approcher de la porte. Personne ne s'interposera...
Les techniques d'intimidation sont fort simples, et les hommes de main – policiers, militaires, penseurs conformistes – savent toujours où dévisager à heure fixe leur victime.
Mais leur tactique relève peut-être d'un plan plus
sournois : obtenir plutôt que l'élimination de leur victime, sa compromission. Une circonstance très banale vient alors en aide à leur dessein : plus tenace que la peur, l'indifférence.
Aucune parole n'est échangée, aucun message ne circule : c'est par le seul regard qu'ils s'expriment. L'utilisation méthodique des «temps morts» sécrète une lente contamination, et les impulsions contraires nées tour à tour de l'observation du ciel, de la mer et des allées et venues des gardiens, s'affrontent, se complètent, de la résolution à l'indécision, se mêlent, de la révolte à la lassitude, en un balancement irrégulier, ininterrompu.
L'ordre de ce livre est fort simple : il s'attache à
figurer l'oscillation.