Voici le roman d'une rupture. G., pasteur protestant, écrit à sa femme quarante-quatre lettres entre le 26 décembre 1960 et le 2 juin 1961, à travers lesquelles surgissent tour à tour nets, violents, réels ou bien ensevelis sous les arrière-plans d'une pensée qui cherche et se
désespère, les principaux événements marquants d'une vie conjugale, exceptionnelle, celle d'un ménage uni dans la foi et le service, et maintenant sur le point de se dissoudre.
Nous devinons que G. vit à Paris où il exerce son ministère tandis que sa femme, épuisée par la charge d'une église et les responsabilités financières, se soigne en Suisse, laissant pour quelque temps au père le soin des deux enfants. À la faveur de cette séparation G. trompe sa femme, qui elle-même partage une camaraderie avec un ami commun que lui a présenté son mari (il n'est pas son amant, c'est un camarade, un ami).
Ces lettres ne sont pas des lettres ordinaires : une
succession de poèmes plutôt, toujours de forme libre, les uns brefs, où le rythme de l'écriture se confond avec celui d'un cœur déchiré ; les autres plus longs, amples, cruels, frappent inlassablement sur la même blessure, celle de la mésentente spirituelle et charnelle de deux êtres qui s'aimaient et qui vont se séparer.
Le lecteur retrouve dans ce nouveau livre d'Hélène Bessette les signes qui font l'originalité de son talent : respiration haletante semblable à quelque cri étouffé dans le noir, obsessions cent fois répétées, scrupules
religieux et moraux, amour frustré, amour accompli, hésitations, retours en arrière, bondissements brusques, goût et horreur de la destruction.
La question que se pose enfin le lecteur, tout au long de ces pages, est la suivante : cette Dora lointaine, raidie dans sa volonté impitoyable de pureté, cèdera-t-elle ou non aux prières de G., aux menaces de G.? À mesure que progresse et se tend la courbe du récit, l'anxiété grandit jusqu'à son point d'éclatement final.